Yours

39

Après ma conversation avec Shawn, j'avais décidé de ne pas quitter ma chambre de toute l'après-midi. Me laissant à nouveau aller à mes pleurs, j'avais l'impression de n'être qu'une petite coquille faible, incapable de contenir mes émotions. Comment les garçons faisaient-ils pour rester si impassible ? Pour ne pas ressentir ni la peur, ni la tristesse ? S'ils étaient tous forts, intouchables, j'étais tout le contraire. La moindre incompréhension suffisait à me faire éclater en sanglots. Et c'était le cas, une fois de plus.

J'espérais intérieurement qu'Aaron vienne me voir, et m'explique pourquoi il m'avait une nouvelle fois caché autant de choses. Mais il n'en fit rien.
Je repensais à ce repas, où j'avais admiré malgré moi son sang-froid lorsque Marc était devenu rouge de colère, quelques instants avant que nous ne quittions la pièce avec Shawn. Il ne doutais de rien, ne craignais rien ni personne. Il dégageait une prestance et une assurance déconcertante.
Je repensais aux paroles de mon hôte un peu plus tôt. Aaron était le parfait soldat pour Henrick. Un criminel, mercenaire, sans émotions, sans aucune hésitation face à une cible. C'était ce qu'il était. Il exécutais, sans remords, sans pitié. Réalisait chacune de ses missions avec succès. Son neveu ne pouvait être qu'une fierté à ses yeux, le fils qu'il n'avait pas pu avoir. Shawn était bien plus sensible, empathique et amical que ce que ne pouvait l'être son ami. Donc certainement moins efficace lorsqu'il s'agissait d'agir et d'éliminer quelqu'un. Shawn était tout simplement humain. Doté de capacités à ressentir, comprendre, et éprouver des émotions. Je comprenais mieux pourquoi Aaron avait été nommé chef d'équipe malgré son jeune âge, il était le parfait exemple qu'Henrick voulait donner à ses hommes. Au-delà de leur lien familial, ils étaient similaires sur plusieurs points malgré eux.

6 secondes pour ôter la vie.

J'étais épuisée de penser, épuisée de réfléchir sans arrêt. Mes angoisses me tourmentaient, l'absence de clarté dans toute cette situation n'aidait certainement pas non plus.

En début de soirée, j'avais finalement décidé d'aller me balader dans l'immense villa, découvrant chaque pièce, analysant chaque élément autour de moi. Marc était incontestablement fortuné, et j'ignorais comment il avait pu en arriver à vivre aussi confortablement. Des vases et tableaux de valeur habillaient les meubles et les murs de la maison qui ne cessait de me surprendre tant par son style et sa grandeur. J'étais dans les couloirs tel le fantôme prisonnier de ces murs, sans jamais croiser le responsable de mes tourments, à mon plus grand désarroi. J'ignorais même s'il était encore dans la maison. La grande bâtisse semblait vide, uniquement surveillée par d'imposants molosses armés jusqu'aux dents, postés devant chaque entrées. J'avais finalement repris le chemin de ma chambre, ne trouvant pas ce que je voulais ou du moins... Qui je voulais.

Puis vint le sommeil. Le remède idéal pour oublier l'espace de quelques heures. Même s'il m'avait été difficile de m'endormir, c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour apaiser les pensées et questions qui fusaient dans ma tête, sans jamais m'offrir de répit. J'étais une mission. Ordonnée par Marc. Pourquoi ? Qui étais-je à ses yeux ? Pourquoi Aaron ?

Les genoux remontés jusqu'à ma poitrine, je n'osais plus bouger. Le poids de mon nouveau quotidien était si difficile à vivre. Je ne parvenais pas à m'habituer à toute cette violence, tous ces secrets... Ma vie si banale me manquait. Je voulais simplement retrouver la convivialité de mon petit appartement avec Emily, nos soirées, nos moments entre filles...

Quelques heures plus tard, j'entendis finalement une voix s'élever dans le couloir, m'appelant pour dîner.
En laissant échapper un soupir, je me relevais doucement de mon lit, mon corps engourdi, les cheveux en bataille, les yeux bouffis, et regagnais l'étage inférieur, prête pour le Round 2.
Mais à ma grande surprise, ni Marc ni Aaron n'étaient présents. Shawn sembla remarquer l'expression hésitante sur mon visage car il m'expliqua :