15- manque de toi

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15. MILA

Après être restée assise sur la dernière marche du porche de Keith, en réfléchissant à quel moment mon ami d'enfance a pu m'échapper ainsi entre les doigts, je me suis levée et rejoins ma voiture. Complètement sonnée. Je me demande si il va bien, et si il a eu le choix de partir aussi tôt. Je savais qu'il allait devoir partir de ce trou à rat de quartier du Queens. Les gens torturés et talentueux comme lui n'ont rien à faire dans une ville qui n'inspire qu'à la dépression, je lui ai toujours dis qu'il méritait de partir loin, de découvrir d'autres horizons qui lui offrirait plus d'opportunités. Mais partir sans me le dire, ça, c'est inconcevable pour moi. Il est un pilier sur lequel je repose depuis que lui et son père m'ont aidés à oublier mes problèmes d'adultes alors que je n'étais qu'une pauvre enfant.

Je me sentais en sécurité autre part que dans le noir, cachée du démon qui terrorisait ma famille. Alors ça me fait mal de voir ma safe place m'abandonner. Je n'ai même pas reçu un message, un appel, au moins juste un « je me barre, salut. » pour m'annoncer la couleur. Rien.

Je prends brusquement mon téléphone et tente d'appeler Keith, mais son numéro n'est pas distribué.

C'est une vaste blague ?

Où est la caméra cachée parce que là je vais partir en vrille putain.

Je résume ce début de journée catastrophique: mes deux amis ne répondent pas au téléphone, au lycée il y'a un cadavre empalé sur le grillage, mon ami d'enfance a déserté la ville, a changé de numéro et je me retrouve comme une imbéciles à fulminer dans ma voiture garée dans une putain de ruelle digne d'un film d'horreur.

Je tente d'appeler Wyatt pour savoir si il est dans la même incompréhension que moi ou si lui aussi a décidé de se barrer sur un coup de tête en me laissant face à ma vielle solitude. La différence avec Keith, c'est que lui, ça sonne. Le point commun, c'est que personne ne me répondra aujourd'hui parce que lui aussi décide d'ignorer mon appel.

Je claque la porte de la voiture si brusquement que ça m'arrache une grimace mais je me décide à bouger et à me rendre au centre ville acheter le café de Ann.

J'attendrai qu'ils reviennent et avec des explications, je ne suis pas du genre à courir derrière les gens, je préfère attendre. Et Dieu sait que j'ai un minimum de patience, la preuve, ça fait 8 longues années que j'attends que mon frangin pointe le bout de son nez.

Pour l'instant la seule chose qui pointe le bout de son nez c'est une migraine mais c'est déjà un bon début.

Je me gare encore une fois et récupère mon porte-feuille dans la portière du conducteur ainsi que mon sac de cours et sors de là. Une bouffée de chaleur me prend, l'oxygène me manque presque et mon corps affaibli et fatigué ne demande qu'à s'allonger mais j'ignore ces signaux de détresse en avançant vers le centre commercial. Je place une main en éventail devant mes yeux fragiles qui piquent à cause du soleil tapant, enfile mes écouteurs et dépasse les portes automatiques en recevant l'air frais du climatiseur. Un souffle m'échappe, je suis fatiguée de ma routine, fatiguée de ma faiblesse physique, de ma santé mentale bancale et de toutes ces conneries de traumatismes qui me pourrissent l'existence. J'entre dans le grand supermarché et me dirige vers le rayon du café, du thé et de tous les trucs poudreux en empruntant les allées de la parapharmacie. Je choppe le paquet de café noir, et je prends aussi celui à la vanille pour moi, et je fais demi tour sans m'attarder.

Une vieille dame fait tomber sa boîte de pansements par terre, que je lui redonne après m'être baissée, elle m'offre un sourire brillant et me remercie avant de reporter son attention sur les crèmes pour les pieds.

TRAGEDYWhere stories live. Discover now