Rivière de feu

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Une musique lancinante me tire de mes songes avant de m'arracher un bâillement silencieux. Toujours assis sur un vieux tabouret inconfortable devant la vitre de voyeur, je frotte mes yeux pleins de sable. Je me suis endormi. La chaleur douce des flammes, l'ennui, les chants des prières, ma position fixe et la fatigue accumulée depuis des jours ont eu raison de moi. Je baille, encore une fois, et jette un regard dans la salle, j'espère ne rien avoir loupé.

La cérémonie semble être terminée, les chaises ont été retirées et les invités, qui dansent autour de la coupole enflammée, se sont changés. Ils arborent des tenues encore plus riches et extravagantes et cachent leur visage sous des masques d'animaux. Le bal a commencé. Doux Ewaun, j'ai vraiment dormi longtemps. Je me redresse en baillant et étire mon dos et mes jambes endolories. Je pousse de longs et satisfaisants gémissements. Et baille encore.

Puissant Ewadun, ça ne s'arrête jamais ! J'en ai les yeux qui pleurent à force.

Je soupire et observe les invités se trémousser au rythme des percussions. Je n'arrive pas à distinguer Damian et Mel des autres nobles. J'ignore quelle tenue et masque ils ont revêtu. Un grognement m'échappe. Que c'est frustrant de se retrouver de ce côté de la vitre. Je cherche également la princesse Galine, mais elle ne semble plus être là. Elle a dû retourner à ses appartements, moi qui rêvais de la voir dans sa robe de bal.

Je soupire. Je n'ai plus rien à faire alors inutile de gâcher mon temps ici plus longtemps.

Je sors du couloir de service et jette un regard à l'extérieur. Personne. La nuit est tombée depuis longtemps et les rares individus encore debout sont au bal. Je m'extirpe du passage et déambule dans les longs couloirs blancs baignés de la lumière de la lune. C'est si calme. Je crois n'avoir jamais vu le château aussi silencieux. Ça me rappelle la cave dans l'auberge Kastir où ma mère travaillait, l'odeur de moisissure en moins.

Mes pas me conduisent à l'aile nord du château, où se situent les chambres royales. J'ai beau y venir souvent, pour voir Damian, je suis toujours aussi admiratif de ses fresques colorées, représentant les divinités dans leur forme la plus pure. Un désert, une forêt, une montagne et un océan. Quatre monuments qui s'étendent sur tout le couloir pour magnifier leur grandeur. Sous les peintures des centaines de chevaliers de profil, agenouillés, la tête inclinés.

Une lueur lancinante danse sur la fresque, lui donnant un mouvement étrangement envoûtant. Je tourne la tête vers la fenêtre qui donne une vue sur la ville. C'est comme si elle était en feu. Des guirlandes de flammes semblent s'étendre autour des maisons. Du moins c'est ce à quoi cela ressemble depuis les hauteurs du palais.

J'avais presque oublié.

Les millions de bougies installées sur les devantures des fenêtres. Des dizaines pour les maisons de la haute ville et une ou deux pour les foyers d'en bas. Donnant l'impression que la cité s'est transformée en rivière de feu.

C'est une autre des rares traductions de l'époque des terres unies qui ne s'est pas perdue avec le temps. Après avoir fait son offrande à la divinité, on entoure sa maison de bougie pour attirer le regard d'Ewadun sur notre demeure. C'est la seule partie de la cérémonie que je pratiquais étant petite. J'entends encore la voix de ma mère me demandant de les mettre bien en évidence sur le porche de notre chambre. Un petit sourire gagne mes lèvres à se souvenir.

Les mêmes bougies ornent les balcons du palais. Des centaines de petites flammes dorées dansant sous les brises du soir.

Une force qui me pousse en avant me tirant de ma contemplation. Je me retourne surprit et aperçoit une jeune femme aux cheveux envelopper dans un tissu sombre ramasser des pétales de rose qui se sont échappées de son panier. Une servante de la reine. Intrigué, je me baisse pour l'aider.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireWhere stories live. Discover now