Le Primaness

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— Non pas d'arriver à dos d'aigle géant, le prince y est allergique.

Je soupire, face au organisateur du Primaness je répète, encore une fois, mes consignes. Pas d'amende, pas d'animaux pouvant exciter Pentha et surtout pas d'envoler sur une quelconque bête à plume.

Dire qu'avant Mel devait gérer ça tout seul. Quel enfer.

Son état s'est nettement amélioré, mais je garde la majeure partie de ses tâches pour le soulager. Il doit se ménager. Aussi bien physiquement que moralement, autrement il risque d'y avoir des morts. Il a beau être gentil, je n'ose imaginer ce qu'il arriverait au malheureux qui le pousserait à bout.

Je me retourne et pique dans l'assiette que me tend le cuisinier. Rôti d'autruche avec sa sauce au vin rouge. C'est le combientième de plats que je déguste ? J'ai perdu le compte en même temps que mon palais. Tout se ressemble. Ils pourraient me servir du foie de chameau et prétendre que c'est du serpent grillé que je ne remarquerais même pas la différence.

Je me contente d'hocher la tête. De toute façon la chose la plus importante pour Damian c'est l'alcool et j'ai fait venir les meilleures liqueurs du pays. Le prince étant connu pour son amour pour la boisson, les meilleurs cavistes du pays se sont battus pour être à notre table.

Dire que la fête est demain et que j'ai encore t'en de chose à faire.

Je plonge mon couvert dans le plat suivant, une mélasse orangée dont je n'ai aucune idée des ingrédients. Même au goût je reste circonspect.

Lorsque enfin la file de cuisinier et de représentant se tarit, j'ai l'impression que mon ventre et ma tête vont exploser. Je crois que je vais vomir.

Du coin de l'œil je perçois ma fiancée qui se retient de rire. Avachi sur ma chaise je dois avoir l'air pitoyable pour que ses yeux brillent avec autant d'amusements.

— Je renonce.

Elle rit de plus belle et vient m'aider à sortir du fauteuil.

— C'est quoi maintenant ?

— Salior.

Je grogne. C'est vrai qu'il y avait ça aussi.

Avec l'aide d'Eli, je quitte le petit salon pour rejoindre l'arène. Il me faut un certain temps pour retrouver une marche normale. Mes pas sont lourds, j'ai l'impression de tanguer et sent le rôti menacer de s'échapper à tout instant.

Lorsqu'enfin nous arrivons au terrain d'entraînement, les hurlements des épées et des soldats agressent mes oreilles. C'est dans ce genre d'environnement que je regrette mon don. Au moins ma grimace me donne un côté snobe qui sied parfaitement à mon statut. Eli reste à l'extérieur du terrain, les femmes n'étant pas autorisées à fouler le sol de l'arène, m'obligeant à me débrouiller seule avec mon mal-être.

Mes yeux parcourent l'intégralité du camp : Les petits groupes affrontent les mannequins, les portants d'armes, les abreuvoirs avec les aigles de combat, la piste de décollage et les sableuses où j'aperçois Mel et Salior en plein affrontement.

Mes camarades, de gabarit similaire, se font face avec une extrême concentration. Salior est le premier à frapper, mais le Filkunstien part sans trop de difficulté avec son épée, le repoussant d'un geste maîtrisé. Puis il s'élance à son tour, assommant son adversaire de coups plus violents les uns que les autres.

Impossible de savoir que Mel a le béguin pour le palefrenier dans ces conditions. Au contraire, on pourrait croire qu'il lui en veut. Sans trop de surprise, il l'envoie au tapis. Le sable des sableuses vient parsemer les cheveux noirs de Salior. Je souris discrètement. Je ne l'apprécie toujours pas et le voir à terre est agréable.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireWhere stories live. Discover now