Fuite discrete

9 2 0
                                    

— C'est ton choix ?

— Oui votre altesse.

De l'autre côté de la porte des appartements de la reine, j'écoute d'une oreille discrète Ulyzia présenter sa démission. Je ne peux la voir, mais je devine l'inquiétude dans la voix de la monarque. Il n'est pas rare qu'un maris jaloux finisse par interdire à son épouse de travailler. Mais la sérénité de la Veldarène semble rassurer la reine.

— Bien, si tel est ton souhait, j'espère que tu seras heureuse là où tu vas.

— Merci ma reine.

Le sont des jupons froissés et des pas se mettant en mouvement m'informent de la sortie imminente de ma comparse. Je me redresse et attends comme si je n'espionnais pas aux portes. Elle essuie sa joue d'un revers de main et pose sur moi un regard déterminé.

— Je suis prête.

J'acquiesce et l'accompagne jusqu'à sa chambre où son sac est déjà près. À l'intérieur tout le nécessaire de voyage : eau, nourriture, vêtement, savon... je sursaute lorsqu'un machin noir remue. Une, deux, trois... six... pattes velues et énormes sorte du sac pour grimper sur la robe de la Veldarène.

Ulyzia me regarde d'un œil nouveau.

— Le grand Corbeau du prince aurait-il peur des araignées ? demande-t-elle en saisissant l'immonde créature à deux mains pour la caresser comme s'il s'agissait d'un chat !

— Dites-moi que tu comptes la bouffer à ton dîner ? Je questionne avec un espoir vain que cette chose souffre mille morts.

— Par les quatre comment le pourrais-je !

L'exclamation dans sa voix est un mélange d'outrage et d'amusement. Clairement elle se paye ma tête.

— Eden, je te présente Persy. Persy voici Eden, tu veux lui faire un câlin ?

Elle tend la bestiole noire vers moi, me forçant à reculer d'au moins de six pas. Un pour chacune de ses infâmes pattes. Six pattes, pourquoi les divinités ont créé des monstres avec autant de membres ?

Je ferme les yeux, prenant une grande inspiration pour calmer mon palpitant. Ulyzia étouffe un petit rire avant d'attraper ses affaires. Lorsque je rouvre les yeux, elle a rangé l'horrible animal dans son sac, loin de mes yeux. Je l'en remercie intérieurement et ouvre la porte en l'invitant d'un geste à sortir.

Dans un silence confortable nous descendant jusqu'aux catacombes et plongeons au cœur du labyrinthe de couloirs. J'ai hésité à lui bander les yeux, mais j'ai très vite compris que cela ne servirait à rien. Il lui suffit de compter ses pas entre chaque intersection et mémoriser un plan mental du chemin. La seule chose dont je m'assure : c'est qu'elle ne touche à rien. Je ne peux rien faire contre une bonne mémoire, mais il est facile d'éviter qu'elle laisse des indices.

Nous marchons durant de longues heures sans qu'aucun de nous ne brise le silence. La dernière, et première, fois que je suis venue, Damian avait meublé tout le trajet. C'est agréable de découvrir les lieux de façon plus sereine. Je réalise qu'il y a de nombreuses galeries partant dans des directions inconnues sous la ville. Je me demande si certaines débouchent dans la cité souterraine. Probablement.

Un sourire caresse discrètement mes lèvres. Si oui, ce serait très ironique que le gang s'obstine à utiliser des espions et des oiseaux alors qu'il leur suffirait de passer par les tunnels.

— Au fait...

Je sursaute légèrement et me tourne vers la jeune femme qui me fixe d'un air refrogné, les sourcils froncés et le nez retroussé.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireWhere stories live. Discover now