Petit Eden

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Assis, recroquevillé sur lui-même dans le placard à balais, le regard posé sur sa mère (dont la tête était logée être les cuisses charnues d'un vieil homme), le petit Eden attendait. Il ne voulait pas fermer les yeux ou détourner le regard. Les bruits que proférait l'homme étaient pires une fois livrés à son imagination.

Aujourd'hui, Eden fêtait ses six ans. Six années à survivre, plus que vivre. A manger au bon vouloir de sa mère, à subir humiliation et réprimande. Six ans à attendre... Il aurait voulu sortir, aller acheter une miche de pain rassis et la partager avec le puissant Ewadun pour le remercier de lui avoir donné vie, en ce quatre-vingtième jour de la saison de Gungan.

Mais il n'avait pas d'argent.

Il avait bien tenté d'en voler, ce qui s'était mal terminé. Sa victime, en bon commerçant, avait consenti à lui laisser sa main en échange d'une semaine de travail gratuit. C'était cher payer pour un morceau de pain qu'il n'avait au final pas mangé.

Il posa ses mains sur ses oreilles, essayant détouffer les grognements dégoûtants du client de sa mère. Puis ferma les yeux, s'imaginant autre part. Dans un palais, assis sur un trône en verre du désert d'Ewadun, avec des coussins colorés et moelleux. Le sol serait en or massif et les murs en cristal. Il porterait une tenue élégante et de haute chaussure. Tout serait à lui et rien qu'à lui.

Il n'eut pas le temps de sourire, face à cette vision idyllique d'un futur impossible, que les gémissements du vieil homme le ramenèrent à sa triste réalité.

Il ouvrit les yeux.

L'homme se rhabillait tandis que sa mère gardait la tête baissée, attendant comme un animal face à son maître. Le client, dans un geste dédaigneux, laissa tomber trois pièces de cuivre sur le sol et quitta le petit appartement. Edena se jeta sur l'argent comme si sa vie en dépendait. Elle les compta, du moins essaya. Car, même si à force d'observer et écouter les marchands Eden avaient appris les bases du calcul, sa mère restait ignorante de cet art et ses clients le savaient. Il aurait dû lui donner quatre pièces. Eden ferma les yeux retenant un soupir.

Lorsqu'il les rouvrit, Edena était partie. Elle l'avait oubliée, encore. Il ne lui restait plus qu'à attendre son retour. Il pourrait sortir, vagabonder dans la pièce, mais si sa mère rentrait et le surprenait il n'évitera pas un coup de sandale. Comme à chaque fois qu'il lui désobéissait. Elle était usée, mais elle laissait des traces sur ses petits bras rachitiques. Elle lui avait ordonné de rester dans le placard jusqu'à ce qu'elle lui dise de sortir, alors c'est ce qu'il ferait. Il attendit. Longtemps.

Ce n'est qu'une bonne heure plus tard qu'Edena rentra un linge sous le bras. Elle déposa son précieux chargement sur la table en bronze et sortit un bol en verre du placard au-dessus du lit simple.

Elle préparait son offrande. Celle du Primaness. Son Primaness. Qu'elle s'était approprié. Les femmes d'Era non pas de date de naissance, mais Edena, en bonne rebelle, ne la jamais accepter. Le jour où elle eut un fils, elle décréta que le Primaness de son enfant était également le sien.

Voyant qu'elle avait totalement oublié son existence, une fois de plus, Eden tapota trois fois sur la porte de l'armoire. Elle sursauta, la main sur le cœur et jurant sur les quatre avants de pousser un long soupir désapprobateur.

— Tu peux sortir Edy.

Il ne se le fit pas répéter deux fois et s'approcha de la table, la salive lui montant à la bouche. À quand remontait son derrière repas ? Hier ? Avant-hier ? Il ne savait plus. Il sentait juste la morsure de la faim lui tiraillait les entrailles.

Mais lorsqu'il approcha sa petite main de ce qu'il devinait être une boule de pain enveloppée dans un linge de lit, sa mère lui tapa sur les doigts, le regard sevére.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant