nettoyer ses traces

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Lorsque j'ouvre les yeux, la douce lumière du matin m'éblouit. J'ai mal partout. Je suis incapable de bouger. Il me faut un certain temps pour distinguer le plafond qui me surplombe. Ses moulures blanches, ses arches, son crépi légèrement craqué, je reconnais le style noble et ancien de la chambre de Mel. Je sens une légère pression sur mes mains, mes bras et mon ventre. Des bandages. On m'a soigné.

Je tente de me redresser, mais une main sombre vient m'en empêcher. Le visage flou d'un garçon s'imprime sur ma rétine. Il me parle, mais ses mots me sont étrangers. Je reste allongé et attendant que mon esprit sorte de la brume. La douleur est toujours là, lancinante, à peine moins forte que tout à l'heure. Un soupir amusé m'échappe et je gémis, le visage crispé. "Tout à l'heure" je ne sais même pas quel jour nous sommes. Combien de temps ai-je dormi ? Qu'est-il advenu de Tigna et de notre champ de bataille ?

Lorsque enfin mes oreilles arrêtent de bourdonner, je tourne la tête vers le Filkunstien qui me sourit inquiet.

— Salut, je marmonne d'une voix rauque je ne reconnais pas.

— T'es dans un sacré état...

Je grogne, une fois de mécontentement et une seconde de douleur. Mon corps n'apprécie pas mes tentatives pour m'exprimer on dirait.

— Que s'est-il passé ? finis-je par demander.

Il met un certain temps à me répondre, articulant chaque mot lentement, comme s'il savait que j'ai du mal à le comprendre.

— Je tai trouver dans les couloirs de service. Elija m'a aidé à te ramener et à te soigner. Avec Damian on a caché le corps dans les catacombes en attendant ton réveil.

Je hoche la tête, incapable de parler. Ils ont bien gérer. Je suis soulagé. Et reconnaissant.

— Merci, finis-je par murmurer.

Il me répond, mais ses mots ne me parviennent pas. J'ai déjà sombré dans l'obscurité.

Il me faut deux jours pour me remettre en partie de mon affrontement. Deux jours pendant lesquels je n'ai pas pu travailler. Obligeant Mel à officialiser ma promotion. Une part de moi fulmine à l'idée de perdre aussi vite tous les avantages de mon ancien poste. L'autre part ne supporte pas d'être à ce point impuissant. J'ai dû les laisser gérer et c'est fortement frustrant. Ils disent que tout est sous contrôle... mais comment en être sur prisonnier de cette chambre ?

Eli a tout révélé à Damain. Dans les moindres détails. Je suis quelque peu soulagé de ne pas avoir été réveillé lorsque mon cuisant échec à gérer la situation lui a été rapporté. Je peux sans mal imaginer toutes les moqueries auxquelles j'ai échappé. Avec un peu de chance il n'osera pas me les dire avant que je sois complètement rétabli. D'ici là j'ai le temps de préparer de belles contre attaques verbales.

Je sors du lit en vacillant légèrement, attrapant une cape pour m'y enrouler. Je suis frigorifiée. Eli dit que c'est normal, que mon corps concentre toute son énergie à me soigner et donc néglige ma température. Je n'aurais jamais cru trembler de froids en pleine saison d'Ewadun.

Mel me tient tout en me frottant doucement le dos, un sourire réconfortant sur le visage. Il n'a pas quitté mon chevet. Depuis trois lunes il s'occupe de moi non stop. Je ne peux m'empêcher de ressentir une légère chaleur au plus profond de mon cœur. Jamais personne ne s'était occupé de moi comme ça, pas même ma mère. Une vague de culpabilité me submerge alors que je repense à tous ce que j'ai pu envisager ou penser sur le Filkunstien.

Mel n'est pas un pion, c'est un ami, mon premier ami.

Du moins, lui, il l'est pour moi. Je serre les dents et les pans de ma cape ronger par l'inégalité de notre relation. Serais-je capable d'être un bon ami, moi aussi ?

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant