Visite dans l'obscurité

4 2 0
                                    

— Le sans nom, t'as de la visite.

Je grimace, la voix de Greta crisse à mes oreilles me tirant de mes songes. Je me redresse difficilement, cachant mes yeux de l'intense lumière qu'il trimbale. Il n'est pas seul. J'entends clairement un second battement de cœur. Mes yeux papillonnent, tentent de s'habituer à l'éclairage qui perdure. Deux silhouettes se dessinent, mais restent inidentifiables.

— Laisse-nous.

Je me redresse. Oreille tendue. On peut tromper mes yeux, mais pas mon ouï. Cette voix. Cette façon de siffler les S. Mon pout s'accélère et un espoir, que je croyais mort, m'étreind.

— Béélis ?

Ma gorge me fait mal, j'ai l'impression de cracher mes mots. Le visage de la princesse apparaît doucement sur ma rétine, elle ne semble pas prendre outrage de ma familiarité. Elle est si lumineuse. La seule pointe de blanc dans ce néant d'ombre.

Tous mes muscles se contractent lorsque je rampe jusqu'à elle. La tête baissée et les yeux fermés. J'entends mes os craquer, mes vêtements rêches frotter contre ma peau sale. Mon souffle est chaotique lorsque j'attrape les barreauxet me hisse sur mes genoux, incapable de mon levé davantage.

Je dois être pitoyable.

Je l'entends s'asseoir. Le frottement de sa soie est agréable à mes oreilles après tant de silence. Le clapotis d'une boîte me fait froncer les sourcils. Je me force à ouvrir les yeux et observer le petit coffret qu'elle tient entre ses mains.

— Dans mon pays, il est coutume d'offrir des cadeaux au changement d'âge.

Je pose un regard perplexe sur la princesse qui me fixe. Il me faut un certain temps pour que mes traits se dérident et que je comprenne ce quel sous-entend.

— C'est mon Primaness ?

Elle opine en me tendant la boîte.

Je reste immobile, choqué. On ne m'avait encore jamais fait de cadeau.

— Tu t'en es souvenu...

Un sourire discret habille son visage pâle. Et toujours aucune remontrance pour mes tutoiements.

— Un enfant de Gungan mérite d'avoir ma bénédiction.

Le quatre-vingtième jour de Gungan. Doux Ewadun, J'était loin du compte.

Je me laisse tomber sur mes fesses lorsqu'elle dépose la boîte de l'autre côté des barreaux, m'invitant à ouvrir d'un geste de la tête.

À l'intérieur, un petit pendentif en cristal repose sur un coussin en velours noir. Elle est magnifique. La pierre, semblable à un morceau de glace, reflète la lumière de la flamme. Donnant un sublime mélange d'orange et de bleu. Le bleu de mes yeux.

— Je ne mérite pas un tel bijou... je lâche, plus fort que moi.

Un rire sans humour lui échappe.

— Seule la personne qui offre peut juger du mérite ou non.

Je me contente de la regarder sans oser toucher à la pierre. Je risque de la salir.

— Merci...

Un doux silence s'installe entre nous. Pas de ceux gênant où on n'a rien à dire ou celui terrifiant que je subis depuis des mois. Celui confortable et apaisant. Ça fait longtemps que je ne me suis pas senti... serein. Est-ce la présence de la princesse des glaces ? De son attention ? Ou juste le fait de ne plus être seul.

— Comment tu te sens ? finit-elle par demander.

Elle ne me regarde pas. Un léger sourire apparaît sous ma barbe. Elle n'est pas bête, elle a compris que je connaissais son secret. Sa question et son regard détourné sont sa façon de me dire que je peux pleurer sans crainte d'être jugé.

Alors je ferme les yeux et parle. Dans un murmure comme s'il s'agissait d'un secret. Je parle de moi, de mes échecs, de mes craintes, de mes désirs. Je m'excuse, les yeux en larmes. Je demande pardon pour mon égoïsme, pour mes mots impardonnables et mes actes discutables. Je délivre tout ce que j'ai remué durant ma captivité. Ça dure une éternité. Béélis me laisse faire sans m'interrompre. Gardant les yeux rivés vers le fond du couloir.

Lorsque enfin mes larmes se trahissent, ma gorge me fait encore plus mal et mon cœur pulse dans mes tempes. Ça fait du bien. Même si personne n'en a été témoin.

Je reprends mon souffle et tourne la tête vers la princesse qui m'accorde enfin un regard.

— Et maintenant ?

Je hoche la tête, reconnaissant.

— Pourrais-tu transmettre un message ?

Un doux sourire vient gagner ses lèvres. Un sourire complice, presque conspirateur.

— Dit à Eli que je suis désolé. Que mes mots ont dépassé mes pensées. Qu'elle avait raison. Dit à Damian et Mel que je leur demande pardon. Pour tout. Que j'aurais davantage dû les considérer. Ce ne sont pas des pions, mais mes amis. Du moins, c'est ce qu'il représente pour moi...

Elle ose un sourcil.

— Dois-je aussi t'excuser de ton ambition Mi glore ?

Je secoue la tête. Si j'en avais eu la force je lui aurais jeté un regard outré et surjoué le choc. Elle me sourit avec tendresse.

— Bien. Ne t'excuse jamais pour ça. Tu en perdrais tout ton charme.

Elle se redresse et traverse le couloir sans se retourner, entraînant la lumière avec elle. Je la suis des yeux jusqu'à ce que l'obscurité m'engouffre et que je sois à nouveau seul.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant