Ménage et premier départ

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Faire le ménage à un côté satisfaisant.

Accompagné de deux gardes royaux, je fouille chaque dortoire à la recherche de traite ou d'espions. Le règne de Damian doit commencer sur des bases solides, pour cela nous devons nous débarrasser des encombrants.

Armé de la liste fournie par Salior des mois plutôt et de mon instinct, je passe en revue tous les serviteurs de la haute ville. Oui juste eux. Malheureusement je ne peux pas en faire autant avec les hauts nobles. Ce serait bien trop risqué. Je me contente donc d'évincer les petites frappes même si je rêve de renvoyer Zolvat.

Un soldat fait tomber Jalim à mes pieds alors que d'autres fouillent son lit et sa commode. Les serviteurs observent silencieux. Certains semblent révoltés, d'autres soulagés. Le dos droit, autant qu'il m'est possible avec ma canne et le regard fixe, je ne montre aucune craintes, même si m'importe lequel d'entre eux pourrait me mettre à terre. Mon entrainement me paraît si lointain. Je tiens à peine debout alors combattre une horde de serviteurs en colère est exclu. Et je ne compte pas sur les gardes pour me protéger si les choses tournent mal.

Comme espéré, de quoi écrire est découvert dans ses affaires. Ce n'est pas illégal, mais ça me donne une excuse pour le faire arrêter et demander un interrogatoire plus pousé. Le courrier n'est pas quelque chose de courant à Era. Seuls les gens qui ont des choses à cacher écrivent des lettres.

L'ancien ami de Tigna est donc amené de force hors des dortoirs, hurlant que ça ne lui appartient pas et se débattant vainement. Je balaye la salle des yeux. Certains détournent la tête sous mon regard. Je ne peux empêcher la lueur de pouvoir qui naît dans mon cœur.

Mes pupilles glacées se posent sur un homme trapu dont le visage ne m'est pas inconnu. Tout comme une autre partie de son anatomie. Je grimace au souvenir de ses mains sur Ulyzia. À l'époque je n'avais rien pu faire. Mais désormais.

— Lui également, je clame en montrant le couturier.

L'homme se renfrogne, mais ne dit mot lorsque les gardes s'approchent pour fouiller dans ses affaires. Malheureusement pour moi, il ne semble pas être un espion. Juste un gros port.

Ne comptant pas le laisser s'en sortir impunément, je franchis la distance qui nous sépare d'un pas supérieur et pousse de ma canne le battant de son coffre. À l'intérieur du linge et quelques effets personnels. D'un geste dédaigneux je jette par terre ce qu'il contient. Le port me fixe avec haine, si les gardes n'étaient pas là il me frapperait et c'est exactement ce que j'espère.

— Comment peut-on avoir l'audace de porter de telles horreurs.

Il fulmine là où ma garde rit. Ce n'est pas le premier que j'humilie de la sorte. J'ai remarqué que c'était fort apprécié par des soldats. Ça leur donne un sentiment de supériorité. Un côté intouchable. Comment leur en vouloir ?

Je vide entièrement ça malle et fais le tour du lit, prenant soin de marcher sur ses affaires. Je reverse le sommier, plus léger que je ne l'aurais cru. Sous ce dernier, accroché aux lattes, une petite boîte. Les soldats ne l'avaient pas remarqué à cause de sa taille parfaitement calée entre les grilles du sommier. Je m'en empare sous le regard horrifié du couturier. Je devine de quoi il s'agit avant même d'ouvrir la boîte.

D'un geste nonchalant je secoue le petit sachet de poussière. Je ne pouvais pas rêver mieux.

— Emmenez-moi cet homme dans les gaules. Qu'il apprenne qu'on ne fait pas entrer impunément de la drogue au palais.

Les gardes ne lui laissent pas le temps de protester qu'il le bâillonne et l'entraîne hors des dortoirs. Je cache mon sourire. C'est un comble d'utiliser la poussière comme excuse lorsqu'on connaît le prince, euh non le roi, que je serre. Je hausse les épaules pour moi-même et termine mon inspection avec les soldats qui me restent, sous les regards vicieux et malveillants des serviteurs.

— C'est donc ici que nos chemins se séparent.

Debout devant Livana, Béélis caresse pensivement sa monture alors que les serviteurs terminent de charger la caravane. La princesse des glaces est la première à quitter Era. Mel, euphorique du voyage, court partout, donnant ses ordres et s'assurant que rien ne manque. Salior se contente de bailler sur un des chariots, frustré de ne pas pouvoir voyager à dos d'aigle. Ce n'est pas tout à fait le genre de mission dont il rêvait lorsqu'il a intégré l'armée, mais cela fait bien trop plaisir à Mel de l'avoir à ses côtés. Un petit cadeau que j'ai soufflé à l'oreille de Damian lorsqu'il a émis sa volonté d'envoyer le Filkunstien à Rorbentis. Je lui souhaite de conclure avant son retour.

— Nous nous reverrons, je compte bien assister à ton couronnement.

Un sourire complice maquille mes lèvres fines. Sourire qu'elle me rend légèrement. Je n'ai pas passé beaucoup de temps avec la princesse, mais je commence déjà à déceler les failles de son armure de glace. J'aurais aimé avoir plus de temps pour voir au travers. Il paraît que des choses magnifiques se cachent dans la glace.

Elle s'incline d'une révérence gracieuse avant de monter avec élégance sur le dos de la louve blanche. Je pose ma main sur la truffe de l'animal caressant sa douce fourrure le temps que sa maîtresse se stabilise. Revêtu de leur amure, je revoir la femme guerrière qui est arriver plusieurs mois plus tôt dans cette même cour. Il sent est passé des choses en si peu de temps.

Livana me bouscule gentiment avec son museau. Je souris et me décale pour la laisser passer.

— Je te dis donc à bientôt, Mi gloire.

La main en visière sur mon visage, pour pouvoir la regarder, je grimace.

— Comptes-tu me dire ce que cela signifie ?

Elle sourit, un vrai sourire, même s'il est discret.

— Ça veut dire mon glaçon.

Sur ses mots elle prent la tête du convoi qui s'apprêtait à partir. Je reste pantois. Tu m'étonnes que la princesse Galine était pliée en deux, c'est complètement ridicule comme surnom ! Et moi qui croyais qu'elle me respecte un minimum.

Mel vient me tirer de ma torpeur avec un gros câlin. Je reste un instant surpris avant de lui rendre son étreinte chaleureuse.

— Ça va être bien moins amusant sans toi.

— Avec une telle princesse et ton cruch tu n'aurais pas le temps de t'ennuyer.

Il resserre davantage ses bras autour de moi. Il m'étoufferait presque.

— Je ne t'ai jamais remercié...

Je lui caresse le dos doucement.

— C'est moi qui devrais te dire merci d'avoir suivi les plans saugrenus de l'assassin de ton mentor.

Un rire sans joie lui échappe.

— Tu m'as offert le choix. Tu m'as laissé devenir qui je voulais être et encore maintenant tu me permets de vivre comme je l'entends... – un sourire sincère gagne son visage – je sais que pour toi tout n'est qu'un plan mûrement réfléchi où je suis qu'un pion... mais je n'ai jamais été plus libre quand étant un pion entre tes mains.

Mon cœur accélère face à ses mots. Mes yeux me piquent et ma gorge se noue.

— Tu n'es pas un pion Mel... tu ne l'est plus depuis longtemps...

Ses yeux s'écarquillent, brillant d'une intensité rare.

Il me serre davantage et je me perds dans ce moment fraternel. Il va me manquer.

— Prend soin de toi Edy...

— Toi aussi mon ami.

Il monte à côté de Salior, récupère les rênes et fait signe à Béélis. La princesse hoche la tête et, une fois assurée que tout le monde est près, entame sa marche. Depuis les portes du palais j'observe la caravane s'éloigner jusqu'à disparaître derrière le mur de verre. Mon cœur se serre alors que les larmes ruissellent sur mes joues.

A bientôt Melysandre.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant