Un espions au palais

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Ça commence à être long...

Debout devant les portes de la salle de réunion avec d'autres serviteurs, j'attends Mel. Mon dos me tire à force de me tenir droit et mes jambes chancellent légèrement. Si encore j'étais suffisamment proche pour entendre je pardonnerais la douleur, mais même pas ! Je suis à au moins quatre mètres de la porte en verre trempé. Même les hurlements du roi ne m'atteignent pas.

J'aimerais pouvoir m'asseoir. Mais ce n'est pas convenable pour un serviteur royal. J'aurais mieux fait de me taire. Moi et mes idées stupides. Je pourrais être tranquille dans mon lit, mais non ! Il a fallu que j'accompagne Mel. Quel idiot !

Le son des talons martèlant le marbre me tire de mes douloureuses pensées. Au fond du couloir, j'aperçois Monsieur Poskon. Instinctivement je me redresse, même si mon dos hurle de mécontentement et essaie de me fondre dans le décor.

Malheureusement, mon ancien supérieur ne me loupe paslorsqu'il me passe devant moi. Je n'ai jamais vu autant de dédain sur un visage. S'il y a bien une personne qui n'a pas apprécié ma montée en grade c'est bien lui. Un gamin sans toit qui obtient un statut qui lui est supérieur il ne le supporte pas. Combien de fois ai-je entendu ses médisances dans les couloirs, ses insultes à peine voilées. Jusqu'à présent j'ai réussi à l'éviter, mais on dirait que l'heure de la confrontation est arrivée.

— Eden, crache-t-il avec un mépris non dissimulé. Je ne m'attendais pas à vous voir ici.

Un sourire crispé gagne mes lèvres. Enfoiré. La convenance veut qu'on utilise le nom de famille d'un supérieur et un autre terme honorifique comme maître ou monsieur. Mais comme je n'en ai pas, comme les femmes, il fait fi de la politesse pour me rappeler où est ma place.

— Poskon, dis-je en arborant un sourire froid mais sympathique. Je sers maître Delcendre, il est donc normal que je sois à ses côtés en toute situation.

Son nez se fronce et sa mâchoire se crispe.

— Certes...

Ses mots sont aussi tranchants que des lames. Il continue de me juger en silence.

— Autre chose ?

Mon ton est neutre, mon dos droit et mon regard impassible. Je suis un serviteur royal et toi juste un cafard qui me tient la jambe. Voilà tout ce que ses quelques mots représentent. Et vu son visage crispé, il l'a parfaitement compris. Qu'il m'est dur de ne pas sourire face à cette si belle expression.

— Non...

— Dans ce cas bonne journée Poskon.

Le silence retombe. Je reste droit, comme une statue. Poskon me scrute avec véhémence encore un moment avant de partir ses talons claquant encore plus ardument le sol. Un léger soupir de soulagement m'échappe. Ça ce n'est pas si mal passé finalement.

Après un temps interminable, les conseillers, tous des Erakilonien de plus de soixante ans avec un très gros capital économique, sortent de la salle de réunion. Un par un, les serviteurs rejoignent leur maître et quittent les lieux. Mel est dans les derniers à sortir accompagnée de Talis et Azieur. Il semble en pleine discussion. Je vois que le Filkunstien n'a pas perdu de temps pour se faire des amis.

Je m'approche et réalise que je suis le seul. Les autres corbeaux ne semblent pas avoir de serviteur attitré. Mel me sourit, salue ses camarades et part avec moi.

Lorsque nous arrivons dans notre chambre, Damian, Pentha et Eli sont déjà là. Prêts à nous bombarder de questions. Je m'effondre sur mon lit dans un râle torturé. Ça fait du bien de s'allonger. Mel fait de même dans le fauteuil près de la fenêtre. Ses traits sont tirés et ses yeux pétillent suite à un énième bâillement. Même le regard pressant de Damian n'a pas l'air de le faire réagir.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant