Retour à la maison

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— Doucement, tu vas vomir si tu continues à t'empiffre comme ça.

Je grogne, la bouche pleine, et tente de ralentir mes mastications même si cela m'est difficile. Ça fait une éternité que je n'ai pas mangé quelque chose de solide. La sensation de faim qui m'habite depuis une saison à enfin disparu. Pourtant je continue d'engloutir tout ce qui se trouve devant moi, comme si c'était un rêve qui s'arrêterait avec la fin du repas.

Eli attrape ma main cadavérique pour stopper mon énième boucher et me force à la regarder. Je suis là, crie ses yeux. Tu es de retour, ça va aller.

Je déglutis et repose ma cuillère à contre cœur.

Dans les nouveaux appartements de ma fausse fiancée, installés dans un confortable fauteuil devant une immense verrière, j'ai l'impression d'être hors de la réalité. Mon corps, mal nourri et meurtri, me lance constamment. Le siège a beau être moelleux et doux j'ai l'impression qu'on poignarde mon dos lorsque je me laisse choir. Eli ma donner plusieurs calmants, mais les douleurs ne passent pas. Je n'avais pas réalisé à quel point je souffrais dans cette cellule. Sans confort ni lumière, il est difficile de se rendre compte de son état. Eli dit que c'est normal, mon esprit me protégeait de la vérité, mais maintenant, dans ce cadre idyllique, en pleine lumière, je suis forcé de me regarder dans un miroir. Et je ne suis pas beau à voir.

J'ai toujours été maigre, mais là j'ai la peau sur les os, des plaies sur chaque articulation, un visage rachitique dévoré par une barbe immature et un tien a faire pâlir de jalousie un cadavre. Ne parlons même pas de mon odeur. Eli n'a pas osé me jeter dans un bain. Préférant attendre que les bômes qu'elle a appliqués sur mes plaies ait terminé leur travail avant de retirer la crasse qui maintient ma peau morne en place.

Je ne peux même pas marcher sans aide. C'est humiliant. Même si ce sont mes amis, je ne veux pas être un poids pour eux.

J'ai à peine vu Mel depuis qu'il m'a conduit ici. Je n'ai même pas eu le temps de m'excuser. Ni auprès de Damian.

Le prince aussi est absent. Il est vrai que cela ne fait qu'une demi-journée que je suis sorti de cellule, mais j'avais espoir qu'ils viennent rapidement me voir.

Suis-je si peu important ?

Je grogne contre moi-même.

Arrête de te prendre la tête Eden. Si c'était le cas, tu serais encore en cellule.

Je reporte mon attention sur mon médecin personnel qui prépare un thé spécial pour accélérer la guérison. La médecine Djoralaise n'est pas reconnue à Era et pourtant, de ce que j'ai entendu, elle est la plus efficace d'entre toutes. C'est donc les yeux fermés que j'avale la tasse qu'elle me tend.

Je sens déjà agir le liquide chaud descendant le long de mon abdomen. J'ai les paupières lourdes. Je vais m'endormir si ça continue.

— Redit-moi comment vous m'avez disculpé ? je me force à demander pour occuper mon esprit.

Ma voix est moins rauque qu'à mon réveil, mais les mots raclent toujours ma gorge quand il sort.

Eli traficote ses herbes en me répondant.

— Il a accusé son agresseur d'être l'espion.

Je fronce les sourcils. Maintenant que j'ai l'esprit clair, plus j'y repense moins cela me paraît crédible. Encore plus lorsqu'on remarque que sont son accent ressort. Comme si ses mots ne lui étaient pas naturels. Comme si elle mentait.

— C'était aussi simple que ça ? je demande d'un ton incrédule.

Elle ne me regarde pas. Ses mains continuent de malaxer nerveusement. Je me redresse en grimaçant et saisis ses mains. Elle relève la tête et plonge son regard châtain dans mes yeux de glace.

L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOnde histórias criam vida. Descubra agora