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Inta dépose ma pitance devant ma grille. Je garde les yeux fermés. Rouler en boule dans un coin me protégeant de sa bougie. Mon geôlier rit face à mon misérabilisme.

Je l'entends s'éloigner. La lumière diminue autour de moi.

Je me retourne et rampe jusqu'au mur de la grille. Avec le trait lumineux sous la porte et ma vue habituée à l'obscurité, j'arrive à percevoir mes barres. Je saisis un nouveau caillou et fais une encoche. Terminant mon vingtième lot.

Je me laisse tomber sur mes fesses et observe le mur recouvert de trait.

Cent jours... Une saison complète... Je n'ai plus de larmes pour pleurer. Plus de voix pour parler.

Je suis fatiguée. J'ai envie de tout arrêter.

J'attrape mon bol et commence à manger. Même la nourriture n'a plus de goût.

Mon cœur bat anormalement vite alors que mes épaules tressautent.

Je repose le bol et enserre mes jambes de mes bras crasseux.

Cent jours seuls avec moi-même. Ça laisse du temps pour cogiter. Lorsque la faim et la folie ne m'étreinent pas.

Je repense à mes actions. A mes choix. A mes désirs. Est-ce que ce que je fais est mal ? Ai-je rêvé trop grand ? Aurais-je dû ne rien faire ce jour-là ? Laisser le chevalier noir accomplir sa mission ?

Damian aurait été libéré et marié à Galine, Mel serait devenue chevalier et aurait encore un maître et Tokarin... Il serait peut-être mort. Cassian aussi ? Et Eli ?

Je secoud la tête.

Eli n'a pas besoin de moi pour prendre soin d'elle. Penser à la jeune fille me serre le cœur. Elle me manque. Ils me manquent tous.

J'ouvre les yeux. La lumière n'a pas encore disparu de ma cellule et je peux voir le plafond. Je n'y avais jamais vraiment prêté attention. Il en serait presque beau avec sa moisissure en forme de nuage et ses auréoles marron.

Un rire sans joie m'échappe.

Je serais toujours au service du tavernier ou peut-être mort. Je serais resté là où est ma place. Je dormirais dans le misérable lit qui m'a vu naître.

Une vive nausée me parcourt.

Non. Non je ne regrette pas ce que j'ai fait. Je ne regrette pas mes ambitions.

Je préfère être ici, enfermé dans le noir de la prison du roi, plutôt qu'enfermé dans le misérable placard à balais de ma mère. Oui c'était ses ambitions. Mais c'est ma vie. Et je referais exactement la même chose si c'était à refaire.

Je fronce le nez.

Non, pas exactement la même. Je traiterais mes camarades différemment. En commençant par les appeler pour ce qu'ils sont : mes amis.

Mes yeux, mes piques et mon cœur accélèrent.

Vous me manquez tant.

Je le jure. Sur les quatre. Si je sors. Je jure de mieux vous traiter. De plus vous considérez. Si je sors, je vous confirais mon cœur et mes ambitions. C'est pour moi qu'ils ont accepté cette folle entreprise.

Si je sors, je jure de ne plus vous laisser de côté.


L'ombre du trône : Je veux le pouvoir, la couronne et la gloireOnde histórias criam vida. Descubra agora