La griffe de la panthère noire

Metake

Ils roulèrent en silence, elle contemplait le paysage, indifférente au fait que le conducteur roulait comme si il participait à une course automobile.  Ren semblait confiant, elle pouvait presque voir un sourire se former au coin de sa bouche. Les autos qui le suivaient avaient la difficulté à s'adapter à son mode de conduite.

- Pourquoi vous avez procédé au youtubisme?

Il lui lança un regard surpris, mais ne répondit pas.

- Ils se sont vengé sur vous, pointa-t-elle

Il leva le sourcil comme si cet idée lui était étrangère.

- Votre doigt

- Ce n'est qu'un doigt, répondit-il, avec un indifférence totale

Lilith ne le croyait pas.

- Ils vous ont puni pour m'avoir aidé

Il eut un rire sec tout à fait en accord avec la mélodie d'une harpe. Elle se sentit idiote, visiblement elle avait dit quelque chose de faux.

- Peu de yakuzas atteignent un âge avancé avec tous leurs doigts, jeune Lilith kun, fit le conducteur comme si il parlait à une plante. Garder le plus souvent les doigts mutilés dans le formol permet au clan de se rappeler leur disgrâce

- Mon père a tous ses doigts, pointa-t-elle. Comment alors a-t-il pu quitter votre famille intact?

- Il a beaucoup travaillé pour la famille, fit Ren, le ton vague

Lilith commençait à se demander quelle sorte de travail son géniteur avait accompli pour s'extraire de ses liens avec les yakuzas.

Il regarda la route et pendant un moment elle crut qu'il ne répondrait pas.

- Si un membre doit quitter ou se faire licencier, il doit suivre les lois du Yubitsume. Ken san t'avisera probablement de rester loin de moi

- Je crois pouvoir mon propre jugement sur les gens

- Tu as encore beaucoup à prouver avant que Ken san lâche la bride, fit-il remarquer avec une assurance de quelqu'un qui a beaucoup vécu

Elle eut alors la certitude qu'il gardait un goût amer de la vie d'un yakuza.

Il sortit de la route et prit un chemin étroit qui traversait un village des pêcheurs qui semblait plutôt isolé. Lilith remarqua que les voitures ne les suivaient plus.

- Si un yakuza enfreint le code d'honneur, il doit, pour se faire pardonner, se mutiler lui-même le petit doigt et l'offrir à l'Oyabun, expliqua Ren d'un ton détaché comme si il récitait un poème. Si il renouvelle sa faute, il doit recommencer la cérémonie avec les autres doigts. Ce n'est pas à moi de dicter au boss qu'il s'est trompé

Elle ne le croyait pas, mais n'allait pas se lancer dans un débat. Le mobile de Ren n'arrêtait pas de vibrer, le sien aussi.

- Ce n'est pas le chemin du club, pointa-t-elle

Un sourire cynique illumina sa figure. 

Le nom de Youta s'afficha sur l'écran : "réponds bitch, Ken san est furax". Aussitôt remplacé par le nom de son père.

- Lilith, tu vas bien ma pouce?

La voix au but du fil réchauffa son âme en peine. 

- Papa? Fit-elle, renaissant de ses cendres

Quelque chose dans sa voix dû alerter Ren qui lui jeta un coup d'oeil concerné. Elle tourna la tête vers la vitre.

- Les infirmières me mettent dehors,  répondit Kaedo d'un ton fatigué. Je sortirai de l'hôpital demain