La fleur du cerisier

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La matinée semblait pleurer la disparition du jeune adolescent.

A l'intérieur du temple Sanjusangen-do, dans la Grande Salle abritant 1001 représentations  grandeur nature de la déesse Kannon, le prêtre chantait un sutra  lugubre. La famille endeuillée brûlait des encens l'un après l'autre, comme si ils espéraient que le parfum étoufferait l'odeur de la mort.

Mamie Yoko, vêtue d'une jolie robe ajustée en dentelle sombre, se trouvait dans un coin du temple, entourée de ses deux petits-enfants habillés eux aussi comme si c'étaient les funérailles du Roi. Bien droite, ses cheveux étaient relevés dans un chignon si sévère qu'elle avait l'air d'avoir eu un face lift, elle gardait un regard sec. Lorsque Lilith s'en approcha pour payer ses respects comme le reste de la famille, elle fut refroidie par son antipathie. Takada, lui, ne desserrait pas les dents, son visage craquait comme un oeuf qui va bientôt sortir de sa coquille. Il fixait le cercueil du défunt bien en évidence devant lui. Gin, lui, ressemblait à un cadavre qu'on vient de déterrer. Même Ayame n'avait pas meilleur teint.

Mei s'inclina devant la famille du défunt.

- Yoko san veut que Lilith san soit à ses cotés, expliqua la jeune femme, d'une voix base

Lilith secoua la tête. Gin lui jeta un coup d'œil mouillé, la priant silencieusement de ne pas désobéir. Mei prit deux fois de l'encens qu'elle mit dans le bol. Elle fit sa prière avant de resaluer la veuve,démontrant ainsi toute sa compassion.

L'adolescente imita Mei dans tous ses gestes, comme une automate, tentant de se rendre invisible...

- Bye bye, petit Raeden, chantonna le mari de Mei, contemplant les flammes

Son épouse eut un sourire navré, se fit petite comme pour cacher les bourrades de son époux. Les Trois mousquetaires parurent sur le point d'éclater de rire. 

La foule composée des gardes et amis du clan ressemblant aux statues d'Egypte, implacables même dans la douleur, vinrent tour à tour payer leurs respects.

Elle s'approcha de l'oyabun. Il ne la regarda même pas, il contemplait l'arrêt du destin qui se consumait dans le feu. Habillé dans un kimono sombre, sa figure mince et fatiguée, le vieil  homme disparaissait au milieu de tous les hommes forts et radiants de vitalité. Le boss, parfaitement impressionnant dans son costume de nuit parfaitement taillé sur son corps de béton, se montra indifférent à tout, même à son existence. Lorsqu'elle se trouva face à lui, elle refusa de s'incliner ce qui ne manqua pas de faire sourciller plusieurs. Mei émit une petite plainte

- S'il-te-plait, cousine, ne rends pas les choses plus compliquées, souffla Ken, exaspéré

Mais l'adolescente resta ferme dans son désir de ne pas coopérer. Le boss porta alors sur elle un regard inquisiteur presque défiant. Un fantôme de contrariété illumina sa figure sombre, elle n'en avait cure et se tourna vers son oncle Asami devant qui elle s'inclina. Le vieillard encadrait aussi l'oyabun, il arborait un masque faussement détaché, inventoriait la foule  comme si il cherchait quelqu'un en particulier, mais ne le trouvant pas, il essuyait ses lunettes répétitivement, abrutit par la tragédie.

Lilith retourna à sa place près de Mei, Youta et Ken, voulant fuir mentalement cette lugubre atmosphère. Youta paraissait revigoré par la tristesse qui planait sur leurs têtes, tel un arbre de Noel en plein été, elle se demanda si il n'avait pas pris de la caféine tellement il fut agréables avec tous.

Alors que les minutes devenaient des heures, la Veuve noire apparut soutenue par Ren. Elle vint se placer près de la famille du défunt,  juste à coté de Mamie Yoko. Son attitude ostentatoire ne fit ciller personne, sauf Mamie Yoko qui refusa de lui accorder un regard. Ren restait stoïque, son visage n'était pas empreint d'espièglerie coutumière, mais d'une retenue pensive. En croissant ses prunelles, elle fut percutée par le feu qui l'animait.

La griffe de la panthère noireWhere stories live. Discover now