Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En Réécriture

Chapitre 8

Ma main égratignée s'agitait sous l'adrénaline. Ce n'était pas tant Bowman que j'avais souhaité atteindre. C'était ce qu'il représentait. J'en voulais à ce démon que je pourchassais depuis mon enfance, à cette douleur enfouie dans mon ventre depuis si longtemps. Pendant des années, j'avais emprisonné ces souvenirs et voilà que cette femme, Hasna, les avait délivrés de leur cage. Maya n'avait pas un an, mais déjà un passé commun nous liait tous les deux. Nos mères nous avaient été arrachées de façon brutale.

Mon cœur se serra en pensant à la fillette. J'espérais sincèrement que sa trajectoire de vie soit différente de la mienne, qu'elle ne sombre pas dans ce gouffre abyssal dont je peinais à sortir. Personne n'avait été là pour me soutenir. Pas une oreille pour m'écouter. Pas une épaule sur laquelle pleurer. Cette tristesse refoulée s'était métamorphosée en aversion envers le monde entier. Ce même monde qui n'avait pas su protéger ma mère et l'enfant que j'étais. Ce même monde, qui n'avait pas su protéger Hasna et sa fille.

— Ce type méritait peut-être une raclée, commenta l'officier en fouillant dans une boite à pharmacie, mais vous n'étiez pas obligé de vous en charger.

Il s'apprêtait à poser ses doigts sur mon front quand j'eus un réflexe de recul. Greene leva les mains en l'air en signe d'apaisement.

— Tout va bien. D'accord ? Vous saignez. Je veux juste vérifier votre blessure, c'est tout. Je peux ?

Je déglutis et hochai la tête. D'un geste lent, l'officier releva mon menton pour le guider dans la lumière. De sa main libre, il tapota une compresse stérile imbibée de sérum physiologique sur mon arcade boursoufflée avant de nettoyer le sang qui avait coulé dans le coin de mon œil droit. Je grimaçai de douleur. Thomas Bowman ne m'avait pas loupé. D'ici peu, un bel œil au beurre noir maquillerait mon regard. Peu importe. Je me réjouissais d'avoir riposté et de lui avoir éclaté la lèvre inférieure.

Une fragrance subtile et envoutante, mélangeant la violette, la bergamote et la lavande, caressait mes narines. Greene exsudait une aura de confiance et de bienveillance. Je m'attardai sur les détails de son visage. Une barbe de trois jours encadrait ses lèvres, et des taches de rousseur parsemaient son teint légèrement bronzé. Par sa simple présence, mon cœur sembla réduire son débit et ma colère se dissipa.

— Ça devrait aller, me rassura-t-il, en changeant de compresse. Vous n'aurez pas besoin de points. Tenez, appuyez.

Il récupéra un strip sur la table, et l'apposa sur la plaie.

— Plus sérieusement. Qu'est-ce qui vous a pris ? Nous allions y venir pas à pas. Brusquer un suspect comme vous l'avez fait n'est pas la meilleure solution. Harris vous a fait une fleur en vous invitant à participer, mais après ce coup-là... pas sûr qu'il décide de renouveler l'expérience.

— Cet enfoiré se moque de vous. Il ne l'a pas giflée une fois, comme il vous l'a certifié. Il mentait. C'était régulier. Merde, il l'a même battue alors qu'elle était enceinte.

Greene jeta à la poubelle les compresses usagées et remballa le matériel médical dans une armoire fermée à clé.

— J'entends, mais vous ne pouvez pas laisser libre cours à vos émotions. Pas lors d'une enquête. Si...

— Mon père a tué ma mère, révélai-je de manière abrupte.

L'officier entrouvrit les lèvres, mais ne prononça aucun mot.

— Quand j'ai entendu Bowman. Quand j'ai vu ce qu'il a infligé à Hasna, je... J'ai pété les plombs. J'ai vu mon père cogner ma mère tant de fois, sans que personne bouge... La scène s'est rejouée dans ma tête et je ne l'ai pas supporté. Il l'a tuée et je suis resté planté, au lieu de l'aider. Parce que j'étais terrifié à l'idée de m'en prendre une, moi aussi. Je... Je n'ai pas eu le courage de la protéger. Et voilà, le résultat... Elle est morte. Hasna est morte. Alors, oui, je l'ai frappé. Et je le referai sans une once d'hésitation. La seule chose que je regrette, c'est de ne pas lui avoir fait plus de mal.