Chapitre 42

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Dans l'obscurité des premières heures matinale, un rempart de pierre, drapé de branches de lierre et cerclant le domaine, se dressa devant eux. Les grilles de l'institut étaient hermétiquement closes, signe que le personnel n'attendait pas de visiteurs de si bonne heure. Sam émergea de la voiture et sonna à l'interphone. Deux appliques s'allumèrent et une caméra, perchée sur une colonne, se braqua son œil électronique sur lui. Une voix crépita dans le silence du matin. Il se présenta et révéla son badge à l'objectif. Après plusieurs secondes, le portail automatique orné d'arabesques s'ouvrit dans un grincement sinistre. Sam retrouva sa place derrière le volant et s'avança dans la cour en roulant au pas. Le mur franchi, les imposantes grilles se refermèrent et ne devinrent bientôt qu'une ombre menaçante dans le brouillard. La voiture progressa sur une longue allée pavée de bitume et bordée par des arbres nus et une vaste pelouse qui devait être agréable les jours d'été, si on omettait l'endroit où l'on se trouvait. Un édifice de briques brunes haut de trois étages se dessina face à nous. Le bâtiment se scindait en deux ailes et encadrait un clocher dépourvu de toute fonction apparente.

— Je déteste cet endroit, marmonna Sam, on se croirait dans un film d'horreur. J'ai l'impression qu'on va me lobotomiser.

Je ressentis aussi une gêne face à la bâtisse. Il me fichait la trouille. Pour des motifs bien différents. Je me raclai la gorge.

— Tu viens souvent ?

— Je venais. Jake bosse ici. Raison numéro deux pour laquelle je ne voulais pas y mettre les pieds. Avec un peu de chance, il n'a pas encore commencé.

— Il est médecin ?

— Agent d'entretien.

On contourna une fontaine dépourvue d'eau. Je pouvais parier que son assèchement ne résultait pas de la saison hivernale. Des plantes et mousses de toutes variétés avaient repris leurs droits depuis longtemps. Je songeai qu'un point d'eau, quel qu'il soit, n'était pas une brillante idée dans un endroit comme celui-ci. Cela pouvait vite servir d'arme.

Des corbeaux perchés sur des branches décharnées nous observèrent d'un œil vif quand on abandonna la voiture sur un parking peu occupé. Seul le personnel de nuit devait être présent. Hormis au rez-de-chaussée, des barreaux en fer forgé, munis de pointes, scellaient les fenêtres. Déjà, les souvenirs affluèrent. Je fermai les yeux et les chassai. Les corvidés disparurent avec un rire moqueur tandis que l'on gravit une paire de marches. Un gardien, qui servait autant à empêcher les patients de sortir que les intrus d'entrer, nous accueillit. Le colosse nous barra la route pour nous laisser passer un instant plus tard après que Sam déclina une nouvelle fois la raison de notre présence.

Une immense ombre pareille à réseau complexe de toiles d'araignée s'étalait sur un carrelage ocre et blanc, porteur des stigmates des années écoulées. Intrigué, je relevai la tête en direction du plafond où un dôme en verre, surplombant les paliers d'escaliers, invitait le soleil à pénétrer à l'intérieur de la bâtisse. Je me sentis comme une araignée, attendant dans la pénombre, immobile, prêt à bondir sur une proie innocente qui oserait faire frémir mes filaments de soie.

Une petite dame sans âge, le visage baigné d'une lumière orange, toqua contre une vitre de séparation et nous pria d'approcher. Sam obtempéra tandis que je restai à observer les lieux. Derrière ses lunettes fines, les yeux de la secrétaire reluquèrent un instant mon cou marqué. Je relevai le col de mon pull et elle reporta son attention sur Sam. L'officier plaqua son badge avec autorité sur l'aquarium et se présenta.

— Nous venons interroger l'un de vos patients, Aaron Crawford.

— Vous avez une autorisation ? demanda la secrétaire d'une voix nasillarde et blasée.

Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En RéécritureWhere stories live. Discover now