Chapitre 17

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Les rayons orangés faiblissaient à l'horizon pour caresser les pierres tombales et un vent froid, mais agréable soufflait dans le parc. Ma crise de la veille avait fragilisé une parcelle de mon esprit. Une flopée d'émotions m'avait envahi en un instant. Je ne comprenais pas la confiance aveugle de Sam. Même en ayant été confronté à l'une de mes pires facettes — celle où, déconnecté, je ne maitrisais plus rien — il persistait à croire en moi. Alors que de mon côté, j'avais depuis longtemps renoncé à me battre. J'avais laissé tomber le masque des émotions, des faux sourires pour ne pas inquiéter les proches, ne pas les effrayer. Était-il à ce point naïf ? Ou bien étais-je vraiment récupérable ?

Lors de mon second séjour en prison, mon ami et tuteur Jared Montgomery avait, lui aussi, cru en moi. Il était ce phare vers lequel je me dirigeais quand la tempête grondait dans mon esprit. Nous étions toujours en contact, à l'allure d'une lettre tous les trois mois. Je lui partageais mes doutes et mes peurs, lui dépeignais ce monde extérieur qui avançait sans lui et lui révélait que je n'avais pas encore trouvé mon but, mais que je continuerais à le chercher. Oui, Sam me rappelait beaucoup cet homme. Il ne jugeait pas votre passé, mais vos actes présents.

Malgré ma crise de nerfs, j'avais assisté au second interrogatoire de Bowman. Ce dernier avait nié avoir utilisé un mouchard ou une quelconque application d'espionnage sur le téléphone principal de sa femme. En revanche, il avait reconnu avoir engagé un détective privé quinze mois plus tôt, dont l'enquête avait mis en lumière les infidélités de son épouse avec T.J. Penley. Cette histoire d'hommes venant régulièrement à la maison s'avérait aussi être un mensonge, sorti sur le coup de la colère. Aucune rumeur ne circulait sur elle dans le voisinage. Hasna était une femme discrète et appréciée de tous.

Je déambulais depuis un quart d'heure dans le cimetière, déchiffrant les noms des tombes anciennes, parfois à l'état d'abandon. Cette balade à l'heure dorée m'apaisa. Ces lieux de repos éternels me fascinaient depuis mon enfance. Quand je passais devant l'un d'eux, je lisais les noms, les dates, et m'imaginais à quoi avait pu ressembler la vie de leurs propriétaires. Étaient-ils heureux, malheureux ? Avaient-ils vécu d'incroyables aventures, ou leurs histoires étaient-elles semblables à celles de leurs voisins, une vie de monsieur et madame tout le monde ? Et surtout, la grande question : comment la faucheuse s'était-elle emparée de leur âme ?

Je caressai la pierre rugueuse. Un bouquet de fleurs défraîchies décorait son pied.

Adam Taylor

1997 - 2022

Adam avait vingt-cinq ans. Sa mort restait pour le moment irrésolue. « Et toi, qu'as-tu à me dire ?» songeai-je, agenouillé face à la tombe. Les griffes étaient mon seul indice. Mis à part l'image d'un esprit perturbé déguisé en ours, rien ne me vint en tête. Hasna. Adam. Deux personnes décrites comme sympathiques et avenantes, découvertes sans vie à près de deux mois d'intervalles et trois kilomètres l'une de l'autre. Stephen LeBlanc, suicidé quatre mois plus tôt. À deux mois également, de l'affaire Taylor. Simple coïncidence ou véritable lien ?

— Que faites-vous ici ?

Je sursautai et retirai les feuilles mortes collées à mon jean.

— Madame Taylor. Pardon, je ne voulais pas...

Mais aucune excuse ne me vint. Je n'avais aucune raison de me trouver là.

— Bah, ne vous fatiguez pas. Après tout si vous discutez avec mon fils. Cela lui fait de la visite. Il n'en a pas beaucoup.

Margaret récupéra le vieux bouquet pour le remplacer par un plus frais, invitant ainsi une douce odeur de lys à s'élever dans les airs et se mêler à celle des sapins.

Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En RéécritureWhere stories live. Discover now