Chapitre 44

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— Jake ? s'exclama Sam en dévalant les marches.

— Eh bien, il travaille ici depuis plusieurs années non ? Aaron s'est peut-être confié à lui.

Il déverrouilla la voiture.

— Pourquoi il aurait fait ? Ça n'a pas de sens. Il n'a rien dit à personne pendant toutes ces années, même pas aux flics à l'époque, et là, il aurait gentiment fait la causette avec Jake ?

— Je n'en sais rien, Sam. Le mieux resterait de directement lui poser la question.

On grimpa à l'intérieur. L'air était glacial. Sam mit le contact et monta le chauffage.

— Quand j'ai touché Aaron, j'ai vu quelque chose.

— C'est lui ?

— Je sais qu'il était là cette nuit-là, avec deux autres personnes. Un homme conduisait. Aaron pleurait à l'arrière. Beaucoup. Il avait du sang sur les mains et il s'en voulait. Il pensait avoir fait une grosse connerie.

Sam s'enfonça dans son siège.

— Merde. Tu as pu identifier le conducteur ?

— Non. Aaron était focalisé sur ses mains et en état de choc. Je n'ai pas bien vu son environnement. Et les voix étaient comme étouffées dans du coton.

— Tu as une idée de qui ça pourrait être ?

Je haussai les épaules.

— Si je devais me fier aux éléments qu'on dispose, je dirais Rick, Boris, ou Oswald, peut-être même Stephen, ce qui expliquerai son suicide à la date anniversaire. Ils parlaient des parents alors Duncan est écarté.

— Et le troisième passager ?

— Une fille... Enfin, je crois.

— Merde, répéta Sam, tu penses comme moi ?

Je chopai son regard. On en avait suffisamment discuté pour savoir à qui il faisait allusion.

— Margaret ou Helen. L'amoureuse ou l'amie. Peut-être même cette secrétaire... O'Donnell. Elle a dit avoir fréquenté la même école, non ? Elle est de la même promotion. Elle a côtoyé les victimes et elle s'est montrée peu encline à ce qu'on aille interroger Aaron...

— Hum, fit Sam, elle faisait sans doute que son boulot... On a déjà bien avancé. Tu penses bien qu'on ne peut pas évoquer tes soupçons avec la capitaine. Si elle est impliquée dans leurs morts, on se jetterait droit dans la gueule du loup. Allons d'abord poser deux trois questions à Jake, et on verra comment gérer cette histoire ensuite.

Depuis que l'on avait quitté l'institut, Sam n'avait pas desserré les mâchoires. Il fixait l'asphalte noir, les mains fermement enroulées autour du volant. Seuls le murmure du moteur et le crissement des roues dans les virages venaient perturber le calme olympien de l'habitacle. Je baissai le pare-soleil. La réflexion sur la poudreuse me cramait les rétines. Au fil des mètres, et face au silence, les remords m'envahirent. Je m'en étais pris à lui sans motivation valable, avais insinué des choses qui n'avaient pas lieu d'être. C'était mou l'initiateur de ces quatre nuits passées en ensemble et non l'inverse. Sam avait toujours fait preuve d'une grande douceur. Pas un mot plus haut que l'autre. Pas un geste déplacé. Il n'avait jamais tenté d'aller plus loin. Je pensais trop, pensais mal. J'avais l'impression de cohabiter avec un parasite dont je n'arriverais jamais à me débarrasser. Les paroles de Sean me revinrent en pleine face dans une litanie.

« Toi et moi, on est pareil.»

Plus le temps passait, plus il lui donnait raison. Tout comme lui, je ne supportais pas la moindre critique, prenais tout de travers. J'avais bousculé Sam et l'avais insulté. Sean avait débuté ainsi, par des brimades et des reproches acerbes. Il exerçait une pression sur le poignet de ma mère, ou sur son genou s'ils étaient attablés en public et qu'elle osait faire ou dire quelque chose qui ne lui plaisait pas.

Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En RéécritureWhere stories live. Discover now