Chapitre 34

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Sa tiédeur l'envoûtait. Son odeur l'enivrait. S'endormir auprès de quelqu'un lui avait manqué plus qu'il ne le pensait. Écouter le souffle de l'autre, sentir son poids sur le matelas. C'était Raphael qui lui avait demandé de rester, quand après leur virée nocturne, Sam l'avait raccompagné chez lui. Son regard fuyant et ses mots hésitants avaient eu raison de lui. Comment refuser ? s'était-il dit.

Il ne s'était rien passé, pas même un début de rapprochement, chacun dormant sur son côté du lit à demi vêtus. Raphael s'était effondré comme une souche tandis que Sam avait ruminé ces dernières semaines durant plusieurs heures avant qu'enfin le sommeil l'emporte sur ses pensées.

Du regard, Sam effleura les cicatrices tracées sur les bras de Raphael, et explora les vestiges de son histoire qu'il ne connaissait que partiellement. L'imaginer s'infliger cette douleur lui laissait un goût amer dans la bouche. Et pourtant, il avait envie de les embrasser, de parcourir chacune d'entre elles, de les guérir avec ses lèvres. Il souffla un grand coup sur cette flamme de désir qui naquit dans son ventre. Raphael n'avait pas la tête à ça. L'épisode du miroir lui revint en tête. En le contemplant ainsi sommeiller, Sam se demanda comment autant de violence pouvait ressortir d'un corps aussi menu et animé en temps normal, par des gestes lents, presque mesurés, à l'instar d'un danseur de ballet qui interpréterait une chorégraphie.

Ses doigts se frayèrent un chemin jusqu'à la médaille suspendue à son cou, sur laquelle Saint-Joseph, une branche de lys dans une main, portait l'Enfant Jésus dans ses bras. Des traces d'usure et d'oxydation dévoraient le bijou, sans le noircir totalement. Il reposa le pendentif contre sa peau, et l'observa dormir. Raphael. Rafá El. Dieu guérit, selon son étymologie. Un nom d'archange. Le chef des anges gardiens. L'ange de la providence, protecteur de l'humanité. Raphael, chuchota Sam, laissant ces trois syllabes ricocher sur les murs. Il aimait la façon dont ce prénom glissait sur sa langue. Raphael...

Sam roula sur le flanc et récupéra son téléphone posé à même le sol. 7 h 48. Un halo bleu se frayait un chemin à travers les voilages fins. Il repoussa la couverture et frissonna quand ses pieds touchèrent le sol glacé. C'est une journée à rester dans son lit, bien au chaud. En soi, il pouvait profiter de sa grasse matinée. Il commençait son service l'après-midi. Mais une fois réveillé, il n'y avait plus rien à faire. Impossible pour lui de retrouver les bras de Morphée.

Le radiateur en face de lui, bien qu'allumé au maximum, ne répandait aucune chaleur. Dans quoi est-ce que tu vis, Raph ? Sam enfila sa chemise et son jean par-dessus son caleçon. Il écarta les rideaux et observa les collines aux sommets enneigés à l'horizon. Il quitta la chambre en se cognant contre la barre de traction, et retint un juron. Une tête en moins que lui, Raphael pouvait passer aisément en dessous sans risquer de s'assommer. En cherchant la salle de bain pour se rafraîchir, Sam se trompa de porte et découvrit le mur tapissé de notes, de photos et d'articles de presse. Sur la carte, le lac, le lieu où le corps d'Adam avait été trouvé, le motel, le restaurant des Taylor... Tout était indiqué comme dans un véritable poste de police. Un chuintement le surprit. Raphael se retournait dans les draps, sans doute en proie à un nouveau cauchemar.

Sam se rapprocha du lit. Les traits de Raphael était crispé.

— Non. Arrête, gémit ce dernier.

Oui. Un cauchemar. Ça ne faisait aucune doute maintenant. Il hésita à le sortir de là. Ce rêve pouvait leur révéler des éléments importants, mais le voir si mal le déchirer.

— Laisse-la ou je...

Il posa une main sur son épaule. Raphael se retourna et sa respiration se calma. Il décidait de le laisser terminer sa nuit quand une tâche noire derrière son oreille attira son regard. Sam se pencha et déplaça une mèche de cheveux. Un tatouage.  Un croissant de lune. Il sourit en repensant à sa surprise de la veille. La lune et les étoiles devaient avoir une signification particulière pour lui.

Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En RéécritureWhere stories live. Discover now