Chapitre 25

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Le jour filtrait à travers les persiennes. J'étendis le bras et ma main rencontra une place vide et froide. Ma nuit avait été sans repos, mais au moins la douleur s'était évaporée.  Je rassemblai mes neurones et eus un sérieux goût amer dans la bouche. Sam m'avait vu hier dans un état catastrophique, moi qui m'étais pourtant juré de ne plus jamais laissé qui que ce soit me voir ainsi.

Je repoussai le moment de me lever, glanant quelques secondes. C'était toujours ça de gagner. Un raclement retentit de l'extérieur. Je bondis hors du lit, ouvris la lucarne et repoussai les volets. Un souffle glacé s'invita aussitôt dans la chambre et la peau de mes bras se couvrit de chair de poule. Le scintillement du soleil sur la neige éblouit mes yeux embrumés, et il leur fallut plusieurs secondes pour s'accoutumer à cette luminosité. Armé d'une grosse pelle, Sam s'employait à déblayer l'allée et leur tronçon de trottoir, vêtu d'une veste matelassée et coiffé d'un bonnet dissimulant ses mèches rousses.

Se sentant probablement observé, il leva le menton, une main en visière. Il dévoila ses dents et agita le bras. « Ça va mieux ?» réussis-je à lire sur ses lèvres. Je lui répondis d'un pouce vers le haut et le regardai se remettre au travail. Dans les maisons du quartier joliment décorées, j'imaginai des familles semblables aux Greene, réunies en ce moment dans un immense salon réchauffé par une cheminée, sur laquelle pendaient des chaussettes brodées emplies de sucreries, et des enfants hurlant de joie en découvrant leurs jouets sous le sapin. Comme s'ils avaient lu dans mes pensées, deux jeunes garçons, suivis de près par un berger australien, sortirent en courant d'une des demeures, en criant de joie, une batte de baseball pour l'un, un gant et une balle pour l'autre.

Je reculai à l'intérieur et enfilai des changes avant de rejoindre Carol qui s'affairait derrière les fourneaux. À mon entrée dans la cuisine, la vieille femme abandonna son poste et m'enlaça chaleureusement. Mes muscles se tendirent sous ce nouvel assaut, et je restais les bras ballants, ne sachant où les poser. Si Sam avait hérité de la carrure de son père, sa tactilité venait définitivement de sa mère.

— Joyeux Noël, s'exclama-t-elle en me frottant le dos, tu as faim ?

L'odeur de pain grillé me donnait l'eau à la bouche.

— Une faim de loup.

Carol m'invita à m'asseoir au bar et me porta une assiette dans laquelle deux œufs au plat se battaient en duel avec des saucisses enroulées de lards croustillants, accompagnés d'un crumpet en forme de sapin garni de crème d'avocat. La palette de couleur et de texture captura mon regard affamé, et je salivai à l'idée d'avaler ce petit-déjeuner.

— Où sont les autres ?

Carol me versa une tasse de café fraîchement préparé.

— Chloe est partie travailler tôt ce matin. Terry est dans le garage occupé à je ne sais quoi, et Sam déneige notre cour. Ça te plait ?

— C'est parfait.

Après avoir hésité, j'étais désormais reconnaissant envers Sam pour cette invitation, non seulement pour ce festin, mais surtout pour cette chaleureuse compagnie. Je ne me souvenais pas du dernier Noël où je m'étais senti aussi bien. J'aurais sans doute passé la journée dans mon lit à ruminer et à envier les familles telles que les Greene, si j'étais resté dans mon mobile home.

Mon petit-déjeuner englouti, j'insistai pour aider Carol à débarrasser. Je désirais lui exprimer ma gratitude.

— Tu as bien dormi sous les combles malgré ce vent ? demanda-t-elle en me tendant une casserole humide.

— Très bien, mentis-je, votre maison est vraiment agréable.

Elle plongea des assiettes dans l'eau et les frotta avec énergie.

Le Passé Ne Meurt Jamais [BxB] En RéécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant