Chapitre 3 : L'Eglise

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Le jour où j'ai vraiment compris, que je devais agir !

Réagir !

Pour moi.

Pas pour toi.

Je crois que j'ai enfin mesuré à quel point nos vies ne tenaient qu'à un fil...

Que ça ne pouvait plus continuer,

Que les choses devaient commencer à bouger !

Mais se venger c'est tellement difficile !

***

-Mesdemoiselles, en route ! La tête haute, le regard droit ! Comme toute femme qui se respecte, hurla Valère.

Habillées de nos longues robes noires, nous nous rendions par groupe de travail à la messe. Cet habit était long, très long. Il traînait par terre couvrant ainsi l'intégralité de mes jambes, de mes bras, et de mon cou. Simplement doté d'un élastique lâche au niveau de la taille, il me permettait de cacher ma prise de poids, déjà flagrante en moins d'une semaine. Mais je savais parfaitement que je ne pourrais pas me cacher longtemps : le lundi était le jour de la pesée.

Les éducatrices m'avaient toujours surveillée de près car j'avais tendance à prendre du poids. J'étais toujours pile poil à la limite de celui autorisé pour une fille de mon âge. Quand j'y pensais, j'avais juste envie de manger encore plus de choses grasses et sucrées pour mieux leur adresser certains de ces gestes obscènes que je connais si bien !

Je l'avais bien compris, mon corps n'était pas ma propriété mais celle de mon futur « mari » et il m'était formellement interdit de l'abîmer. Juste pour cette raison, je prenais encore plus de plaisir à grossir et à exaspérer les éducatrices en traînant les pieds durant le cours de sport, prétextant de la fatigue. Ça aussi ça avait coûté cher à mon dos...

Mes cheveux étaient noués en une longue tresse stricte qui m'arrivait au creux des hanches. Aucun maquillage. Aucune distinction. Rien. Tout cela était spécialement réservée à « Notre chère Reine tellement aimée... blablabla ».

Nous étions rangées deux par deux et Valère ouvrait la marche. Sa tenue se différenciait légèrement de la nôtre : sa robe était bleue foncé, moins longue, mais encore plus ample à cause de ses... euh... rondeurs ? Formes ? Je n'avais pas de mal à imaginer le sang qui coulerait de ce double menton si gras, de ses bras et de ses jambes. Je voyais ma lame s'enfoncer et glisser sur sa peau si molle, si lâche. Cette expression de douleur mêlée à la terreur, lorsqu'elle se sentirait mourir, qui allait m'emplir d'adrénaline et de plaisir.

Je secouai la tête pour effacer de mon présent ce sombre dessin que je lui réservai et repris mon observation.

Ses cheveux étaient dressés dans un chignon sévère extrêmement tiré. J'avais presque mal pour elle. Presque.

A ma gauche, se trouvait Elizabeth. Grande, rousse, le teint clair, elle était très jolie. Elle avait tout pour elle. Son visage, toujours neutre, ne laissait jamais transparaître aucune émotion. Elle excellait dans tout. Dans les sciences comme dans les lettres. C'était la fille modèle. Parfois, j'imaginais ma vie si j'avais sa place, si j'étais elle. Pensait-elle sa vie parfaite ? Se sentait-elle heureuse ? Cette profonde jalousie me rongeait violemment le cœur mais, le désir de vengeance était si fort que je revenais vite à la réalité. Jamais, jamais je ne serais une autre. Je ne prendrais pas de repos tant que nos « merveilleux souverains », et ma « meilleure amie pour la vie », Valère, ne seraient pas enterrés. Je ris seule discrètement, fière de moi.

La Clef de mon PasséWhere stories live. Discover now