Chapitre 12 : Un rien

26 4 2
                                    

Elle t'échappe... s'échappe, ne s'appartient plus.
Elle manque déjà. Elle s'envole sans laisser ni projets, ni félicité.
Elle te laisse croire un instant, qu'elle ne te quittera plus, jamais.
Plus jamais.
Mais elle s'enfuit, t'abandonne aux tremblements.
Même si son départ manque un tournant et peut-être l'arrivée d'un renouveau heureux,
Tu sais que viendra d'abord un long moment compliqué.
Tu sens que ta voix va s'éteindre, que ton corps va suivre ce brusque et inopiné départ.
Tu sais qu'il n'existe plus aucun moyen de la, de les retenir.
Elles sont multiples, maitresses de leur avancement, semblent avoir une destinée propre.
Tu ne contrôles plus rien, tu subis tes choix, regrette et hais les décisions.
De joie, de peur, de rire, de frustration, d'émotion, de tristesse.
Leur nature importe bien peu.
Elles coulent déjà loin, disparaissant sur ta peau abîmée.
Presque invisibles, les larmes montrent que tu as baissé les armes.

***

Comme expulsés d'une bulle d'air, nous fûmes projetés chacun à une extrémité de la pièce. Ma tête ripa contre le mur. Des étoiles tachèrent mon champ de vision. Quand le monde cessa de tourner autour de moi, je tentai de me relever mais mon corps n'était pas aussi indemne que dans la... vision ? situation surnaturelle ? le rêve ? Je secouai la tête croyant à un délire de mon esprit épuisé et malmené. Mais je vis que Ludovic était tout près de moi et il me fixait.

-Pince-moi, me dit-il.

Je le regardai, ahurie.

-Pince-moi, je veux vérifier que tout est réel. Allez !

Je le fixai comme s'il était fou.

-S'il te plait, ajouta-t-il séparant exagérément les syllabes.

Je répondis à sa quête et lui pinçai le bras. Il sauta en l'air. Il me fixa d'un air outré, la main sur le bout de chair que j'avais serré.

-Je t'ai demandé de me pincer, non pas de m'arracher la peau.

Je détournai les yeux, pas sûre de savoir quoi répondre.

-Bon alors, ça s'est vraiment passé ?

-Si nous sommes deux à nous en rappeler j'imagine...j'imagine que oui !

Il s'assit à côté de moi, contre le mur. Le silence s'installa. Je le rompis.

-Tu... tu m'as pardonné ?

Il s'éclaircit la voix avant de répondre.

-Je ne sais pas si pardonner est un bon terme. Disons que je te tolère pour l'instant, va-t-on dire.

Il plongea la tête dans ses mains.

-Je ne sais pas trop où j'en suis. Mais si c'était vraiment Lily que nous avons vue, et je crois vraiment que c'était elle, je me dois d'honorer ma promesse, de l'honorer, même si cela signifie te protéger. Et puis, il y a ma mère...

-Ta mère... soufflai-je.

-Oui, si elle a donné la vie pour toi, tu te dois d'en valoir la peine, ne crois-tu pas ?

J'étais déboussolée. Complètement perdue. J'étais partagée entre la culpabilité, la peur, la haine, le tout. Je ressentais tout et rien à la fois. Je n'avais aucune idée de qui j'étais et de ce que tout cela signifiait. Je n'avais conscience que d'une chose ; j'avais tué quelqu'un et de sang-froid. Oui, j'en avais rêvé, oui j'en avais fantasmé, mais que l'idée prenne corps était encore autre chose. Et pour ajouter à mes problèmes, c'était une innocente. Elle avait une vie, des amis, un amour...J'avais tout détruit. Tout. Et voilà qu'une horde de morts m'annonçait que j'étais une héritière perdue et faisait reposer sur moi le prix de leur mort et l'avenir, et une soi-disant putain de prophétie. Je secouai de nouveau la tête. La culpabilité me rongeait complètement, sans porte apparente de sortie.

La Clef de mon PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant