Chapitre 2 : Histoire

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J'ai toujours voulu croire en l'amour. J'ai essayé de le trouver, de me laisser aller à ses bras. Je ne sais que te dire. Je suis perdue. Je cherche du sens à l'insensible. Je me sens mal.

Mes yeux se ferment, la tête me tourne. J'ai envie de vomir. A mesure que les mots s'inscrivent sur le papier, j'essaie de trouver une raison. Une raison au monde, à mes écrits, à la vie. Je ne sais pas, je ne sais rien. Je ne veux rien savoir. Je le répète si souvent.

Un gouffre béant m'étreint le cœur.

J'ai envie de pleurer jusqu'à ne plus jamais me réveiller. Laisser tout venir, tout partir. La douleur me faire souffrir pour mieux m'abandonner.

Je m'écarte. Je m'éclipse.

***

Je me baladais dans les grands couloirs du « refuge », comme je me plaisais à l'appeler. Il n'y avait pas grand-chose à voir si ce n'est une succession de portes et de couloirs sans fin. Je ne croisais que peu de personnes, qui m'ignorèrent ostensiblement. Cela m'était bien égal, j'étais à la recherche d'informations à glaner pour comprendre réellement où j'étais et percer le mystère de ce lieu et de ses résidents.

Alors que je marchais, je fis face à une grande affiche : une de celles que nous avions dans les couloirs d'Annie Avenue. Ces supports de propagande dont se servait le pouvoir. Le couple royal, assis sur les trônes, surmontait Okanville. On vantait leurs mérites et leurs réussites. Mais cette affiche était particulière : totalement raturée et gribouillée. Quelqu'un avait dessiné des cornes de diable sur la tête d'Annie et des attributs de cochon autour du visage de Brice. Je souris de contentement.

Là où il était avant écrit « Nous, citoyens de votre nation, nous vous vénérons », « Pour la paix ! Pour l'amour ! Pour la liberté ! », « Que vivent les Sol ! ».

Je restai surprise. Nous n'avions jamais entendu aucune mention des Sols, sauf en cours d'histoire. Je me rappelai encore très bien des mots de Valère...

***

J'étais dans mon coin, à rêver d'ailleurs lorsque Valère était rentrée dans la salle de classe.

-Mesdemoiselles, aujourd'hui, est un jour spécial. Le jour de l'indépendance.

Je relevai la tête, interloquée. Nous n'avions jamais entendu parlé de cela. La seule histoire à laquelle nous avions eu droit était l'officielle, le règne sans début, sans fin de leurs héros. J'avais subitement hâte d'entendre le contenu de ce cours.

-Vous êtes arrivés à l'âge permis pour entendre l'histoire dans sa totalité.

La totalité, totalité... J'attendais quand même d'entendre quelle était cette totalité.

-Il y aujourd'hui vingt-cinq ans, notre roi a banni les usurpateurs du trône. C'était un jour comme aujourd'hui, après des années d'usurpation, Brice et ses alliés sont entrés au Palais d'Okanville et ont férocement combattu la dynastie de traitres : les Sol.

Je ne comprenais rien, je pensais que Brice et sa famille avaient toujours été là. Tout ce régime était donc récent. Et qui disait récent, disait flambant, disait tremblant.

-Brice s'est battu contre ses rois injustes et le chaos qu'il imposait. La pauvreté et la misère étaient en train de tuer toute la population. Ils ne restaient presque plus personne et les monarques gardaient richesses et vivres pour leur personne. Depuis la mort de son amante illégitime, Maria Vanta, celui qui avait l'audace de se considérer roi : Arthur était devenu fou. Il était à la tête de commandos destructeurs et ne cessaient les exactions. La mort planait sur nous. La seule manière de changer les choses était de renverser le pouvoir en place. Les Sol ont été exterminé. Brice est entré au Palais, il a tué le roi et tout ce qu'il restait de lui. Notre sauveur était enfin là, il nous a tous sauvés. Nous lui sommes tous reconnaissants. Si le pays existe encore, ce n'est que grâce à eux. Brice n'a pas tardé à trouver Annie et avec son arrivée se sont mises en place toutes les règles qui assurent votre préservation, votre sécurité et votre avenir.

Je me mordis la joue pour ne rien ajouter. Oui, je n'avais aucun mal à imaginer que c'était à cause d'Annie que je vivais dans cet enfer !

-Les partisans de ces traitres sont exterminés dès qu'on en trouve. Ils ne rêvent que de récupérer le pouvoir alors qu'il ne reste plus rien de la lignée des exterminés. Nous devrions terminer ce cours par un hommage à nos saints sauveurs, eux qui nous ont fait don de la vie, eux qui nous protègent. Mesdemoiselles, debout.

Je me levai contre mon gré. Puis, je réfléchis : il y avait eu un pouvoir avant. Il y avait eu un avant. La possibilité d'un après existait donc. Je ne pouvais plus me résoudre à l'inaction.

***

Maintenant que j'y repensais, bien sûr qu'il fallait aux rebelles, un idéal, une cause, des gens pour qui se battre. Sans une idée, ils n'auraient pas pu se réunir et tenter d'agir. Les Sol étaient leur point de départ. Il fallait que j'en découvre plus.

Je poussai la porte sur laquelle l'affiche était accrochée et entrai dans une immense pièce au haut plafond. Des milliers de livres étaient superposés sur des étagères apparemment sans fin. Je n'en croyais pas mes yeux. Comment était-ce possible ? Les seuls que je n'avais jamais vu étaient : « Brice : l'histoire d'un sauveur », « Annie : une déesse », « Le Code civil », « L'honneur au roi et à la reine », etc... Rien de bien transcendant à mon humble avis. Et là, je faisais face à une boîte au trésor.

Je passai énormément de temps, à me perdre dans les rayonnages quand je tombais enfin sur quelque chose de très intéressant : « Les Sol : une dynastie, un héritage ». Je sortis le bouquin et m'assis au sol pour le feuilleter. Alors que je parcourais vite fait quelques pages, je tombai sur une double page dépliante. Je lus « Arbre généalogique de leur famille royale ». C'était une époque où les liens de sang avaient du sens, où chacun vivait sa vie à ce que je voyais. Je passai le doigt sur les connexions entre les portraits, les trois dernières photos étaient griffonnées. Je lus les trois derniers noms « Françoise Sol », « Héléna Sol », « Lucas Sol ». Je remontai aux deux portraits au-dessus « Arthur Sol » et « Maria Vanta ». Les anciens régnants. Que me serait-il arrivé si j'étais vingt ans plus tôt, cinquante ans plus tôt ? Les choses seraient-elles bien différentes pour moi sous le règne de d'autres ?

Je continuai de tourner les pages et lus différents articles. Il n'était question que de bonheur, de prospérité et de famille. Qu'est-ce que cela pouvait donc bien signifier ?

Toute la « famille » avait été anéantie lorsque Brice s'était emparé du pouvoir. A cette époque-là, une crise sans précédente était en train de ruiner le pays et la mort de plusieurs membres de la famille royale avait considérablement affaibli le pouvoir. Chose que mon fameux cours n'avait cependant pas mentionnée était que Brice était un neveu éloigné d'Arthur. Vivant aux crochets de la famille royale, il avait attendu tapi dans l'ombre son heure pour s'emparer du pouvoir.

***

Je sortis de la salle en ne prenant rien avec moi. Je marchai tranquillement quand un grand cri me fit sursauter. Un grand rire acclama ma réaction. J'avais atterri directement dans ses bras.

-Très drôle ! Très, très drôle... 

La Clef de mon PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant