Chapitre 5 : Le Passé

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Le passé.

Tu es son esclave ou son maître.

Le passé.

Il est ton propre fouet ou l'arme tournée vers toi.

Le passé.

Quand tu le revis, il paraît irréel, un nouveau rêve.

Le passé.

Il te permet d'avancer.

Tant que tu le connais

***

Le cœur au bord des lèvres, je me retournai dans tous les sens. Comment était-ce possible ? J'étais encore une fois en train de rêver ? Pourtant... Tout semblait si réel.

J'avais tout de suite reconnu le Palais à cause des murs recouverts de papier couleur or, des plafonds si hauts et la multitude de servants qui s'activaient. C'était comme sur les photographies que j'avais vu. Moi, je paraissais invisible. Les personnes me contournaient, ce qui me rassurait un peu : je n'étais pas encore un fantôme. De nombreuses patrouilles de gardes courraient. Je ne mis pas longtemps à comprendre qu'il était en train de se passer quelque chose. Je distinguai une jeune femme, plutôt grande, ses cheveux noirs ébène étaient relevés en une queue de cheval lâche et quelques mèches folles s'échappaient tombant ainsi devant ses yeux. Elle s'approcha d'une autre personne et lui souffla quelque chose, puis elle s'écarta et partit d'un pas vif.

Je me lançai alors à sa poursuite. Elle emprunta de nombreux couloirs et plus elle avançait, plus ils étaient vides. Elle s'arrêta brusquement, tourna à sa droite et entra dans une salle. Curieuse, je continuai à la suivre. Et en entrant, je fus plus que surprise en me retrouvant face à l'Homme, déguisé en garde, qui avait emmené l'enfant tout à l'heure, lors de mes précédentes visions dans les bras de Valentin.

-Emmanuelle ! Tu dois m'aider !

-Oui, ne t'inquiète pas. Je suis là.

La jeune femme s'approcha de l'Homme et se pencha sur l'enfant.

-Bonjour toi ! lui dit-elle en souriant.

L'enfant gloussa et commença à s'amuser avec une des mèches de cheveux de la femme. Son rire s'amplifiait, tant qu'elle lui échappait des mains.

-C'est elle alors ? souffla la femme.

-Oui.

-Je comprends mieux. Elle est vraiment belle, chuchota la femme en caressant le visage de l'enfant, qui tendit alors ses bras vers elle.

Elle la prit doucement.

-Je l'ai recensé au Palais, mais l'imbécile de garde en entendant où je l'avais soi-disant trouvé, a voulu la tuer. Je me suis donc enfui en courant. Ils sont tous à ma recherche maintenant. Ils ne peuvent pas la retrouver, car même s'il ne la reconnaisse pas, ils vont la tuer. Trop de personnes sont mortes aujourd'hui, pour que l'enfant meure maintenant, sous ma protection. Je...

Emmanuelle le coupa.

- Calme-toi, dit-elle en berçant le bébé. Tu vas l'effrayer. Elle ne va pas mourir. Reste tranquille.

L'homme se calma légèrement.

-Où en est la situation, ici, au Palais ?

-C'est l'horreur ! souffla tout doucement la servante, pour ne pas déranger l'enfant qui était sur le point de s'endormir. Je n'ai jamais vu Annie, aussi en colère. On lui a désobéi. Pour la première fois dans sa vie, elle n'a pas eu ce qu'elle demandait. On a pris l'enfant qu'elle considérait comme sien.

-Ce n'est pas son enfant ! cracha le faux garde. Son cœur est aussi froid que la pierre, si un enfant a le malheur de s'approcher d'elle, elle ruinera son enfance ! Elle le transformera en monstre ! Jamais ! Tu m'entends ? JAMAIS, la fille d'Adèle ne tombera dans ses griffes !

-Je te crois. Cette petite rose est si douce et si fragile, qu'une sorcière pareille la détruirait.

Mon souffle était court. Je suivais la scène haletante. Ce que je vivais était réel ?

-Je vais trouver une solution pour la faire rentrer dans Annie Avenue, mais cela va être difficile. Pour sa femme, le Roi Brice a lancé toutes les patrouilles du royaume à la recherche d'Adèle et de sa fille. Une prime a été promise, à celui qui les retrouverait. Tout le pays est à leur recherche.

-Emmanuelle, dis-moi : crois-tu que nous ayons une chance ?

La jeune femme regarda l'homme et lui sourit :

-Oui. Oui je le crois. C'est le début. Le règne de ces dictateurs est remis en question, par une minorité, certes, mais les esprits se réveillent. Et quand cette petite fille sera grande, elle accomplira ce que nous avons commencé pour elle : ce que nous avons pu débuter grâce à sa naissance. J'espère juste qu'elle ne nous en voudra pas trop et qu'elle trouvera les personnes à qui faire confiance.

Les yeux de l'homme brillèrent de larmes.

-Je veux croire qu'un jour notre patrie et nos enfants pourront crier : « Pour la paix ! Pour l'amour ! Pour la liberté ! ».

-Ils le feront. Crois-moi ! Réunis derrière une même idée, unis pour une seule cause, et elle, à leur tête.

La femme déposa un léger baiser sur la joue de l'homme. Ce dernier regarda l'enfant et lui dessina une petite croix sur le front :

-Que Dieu te bénisse et te protège !

Il l'embrassa sur le front, puis lui effleura le pendentif.

-Ta maman te l'a laissé pour te protéger. Elle m'a fait promettre qu'il te suivrait. Le voilà. Tout contre toi. Tant que tu l'auras, tu sauras que tu n'es pas seule.

Emmanuelle, l'enfant dans ses bras, sortit de la pièce et traversa de nouveau les couloirs, plus discrète que jamais.

Abasourdie, par tout ce que j'avais entendu, je la suivais toujours, lorsqu'une alarme se fit entendre. Au pas de course, une centaine de gardes passèrent, tandis que la femme cachée dans un recoin de mur, tremblait de peur, même si elle savait qu'ils ne la trouveraient pas. Elle entendit rapidement des cris et ferma les yeux, le bébé contre sa poitrine. Je vis les larmes coulaient sur ses joues. Les bruits cessèrent et les gardes revinrent alors dans l'autre sens. L'homme, l'ami d'Emmanuelle, était à présent détenu. Toutes les personnes qui prenaient le bébé dans leurs bras, semblaient s'éteindre petit à petit. Mes poings se serrèrent, en voyant cet homme, si courageux, si honnête, le visage ravagé, l'armure arrachée et les mains en sang. Pourtant, il souriait. Comme la femme aux cheveux blonds, il semblait prêt pour ce qui l'attendait, en paix avec lui-même.

Ce fut à mon tour de commencer à pleurer. Pourquoi ? Mon désir de vengeance semblait se décupler au fil des minutes. Ce Roi et cette Reine étaient des monstres. Sanguinaires, malhonnêtes, violents, assassins, ils ne méritaient pas de vivre. Ils ne méritaient rien.

Une fois les gardes passés, la jeune femme sortit de sa cachette. Elle pleurait. Le bébé, en voyant Emmanuelle ainsi commença aussi à trembler, puis à fondre en sanglots.

-Chut ! Chut. Nous devons être courageuses. S'il te plait ! Chut ! Ils ne doivent pas nous trouver. Chut, souffla-t-elle en le berçant. Pour Jérôme nous allons survivre.

Le bébé se calma. Alors, discrètement, la femme sortit du Palais. Comme une petite souris : invisible et silencieuse. Mais, je ne pus la suivre hors du Palais. Tout se brouillait autour de moi, tandis que le bébé s'endormait.

Le décor changea.

***

Après avoir aperçu le Palais d'il y a vingt ans, je revenais dans la pire des prisons. Je faisais un tour dans mon éternel cauchemar, celui de retourner un jour à Annie Avenue. Sauf que cette fois, je ne faisais pas partie des innombrables jeunes filles enfermées, j'étais juste là à observer Emmanuelle qui était en train de trouver un moyen de déposer l'enfant dans le pire des endroits sur Terre, mais pour le sauver.

La Clef de mon PasséWhere stories live. Discover now