Chapitre 9 : Ana

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Je suis curieuse.

Je suis mal élevée.

Je suis bornée.

Je suis insupportable.

Je suis froide.

Je suis solitaire.

Je suis malade.

Je suis la fille qui rompt les règles.

Je suis l'Emmerdeuse.

Je suis... Moi ?

Mais alors pourquoi quand Il me regarde, avec ses yeux, ses si beaux yeux, je me sens différente, une autre ?

***

Une larme coula sur ma joue. Je l'essuyai brusquement. Je le haïssais. Comment avait-il pu les voir ? Elles m'appartenaient ! Mes cicatrices étaient le symbole de mon courage, de ma bravoure, de ma résistance. Elles étaient aussi laides que les personnes qui m'avaient frappé, aussi profondes, que la rage ancrée en moi. Pour toujours. Jusqu'à la fin.

Je ne pouvais pas y croire. J'étais seule dans cette quête de justice. Je ne pouvais compter que sur moi. Moi, seule. Il me mentait sûrement... De toute façon, il me mentait depuis le début, alors pourquoi devrais-je le croire ?

Je me relevais difficilement, mais pendant quelques secondes, tout devint à nouveau flou autour de moi et je perdis l'équilibre. La Chose me rattrapa comme à chaque fois. Elle me tenait fermement dans ses bras, j'étais dos à cet être qui m'insupportait. Perdue, je ne réalisais pas tout de suite, qu'on m'appelait. Pour me faire réagir, et savoir si j'allais bien, il me caressait délicatement les cheveux.

- Anaëlle ? Anaëlle ? Tu m'entends ? me répéta-t-il plusieurs fois doucement.

Embrouillée, je me sentis encore plus faible et malgré moi, je me laissais un peu plus aller dans ses bras.

Je perçus juste, qu'il s'asseyait à nouveau par terre, ma tête sur ses genoux, avant de sombrer.

***

Lorsque je repris connaissance, j'étais totalement déboussolée. Je me réveillais tranquillement, j'étais bien, je me sentais comme protégée... Protégée ?! Mais, je m'étais transformée en niaise de service ou quelque chose ne tournait pas rond chez moi ?!

Je levai mes yeux et aperçus la Chose, qui se disait "homme" et prétendait s'appeler "Valentin", ainsi qu'exercer la profession de médecin. Sa tête était appuyée contre le mur, il dormait. Ses yeux étaient fermés et il respirait calmement. Une de ses mains était encore dans mes cheveux, l'autre sur mon ventre. Je me sentais mal à l'aise. Très mal à l'aise. J'avais envie de lui crier dessus et de m'éloigner rapidement. Je n'avais jamais été aussi proche de quelqu'un, physiquement parlant. De plus, cette Chose m'avait changé, sans mon approbation, alors... Cette proximité me gênait, m'énervait mais me perturbait également... Je ne savais pas comment y réagir, j'étais indécise, et je détestais être perdue.

Pourtant, je ne bougeai pas. Je restai immobile. Je l'observai. En fait, j'étais comme fascinée, par cette Chose, je ne savais pas... Il m'était à la fois si semblable et si différent. Je ne comprenais plus rien. Etait-il vraiment un homme ? Un médecin ? Voire même vraiment de mon côté, là pour m'aider, comme un allié ? Il était tellement insupportable, borné et j'en passe encore. Je ne pouvais pas le supporter. Point final.

J'étais pourtant comme ça allongée sur ses genoux. Je croyais vraiment qu'ils m'avaient fait quelque chose pendant ces trois derniers jours. Je me sentais un peu différente, trop mièvre, faible et j'avais envie de me frapper à cause de tout ce à quoi j'étais en train de penser. Je le fixais comme une idiote obsédée, allongée sur ses genoux et après j'allais aller lui crier dessus, pour lui faire comprendre qu'il était fou, bizarre, beau... Bon, il faut vraiment que je m'arrête. Je ne savais même pas comment ces pensées-là pouvaient me venir. Je détournai le regard de la Chose. Mais, attirée comme un aimant, je ne résistai pas longtemps avant de recommencer à le dévisager.

Au bout de quelques nouvelles minutes, je le vis ouvrir les yeux. Il me fixa à son tour. Comme seuls au monde, on resta, un long moment, figés. Je ne pouvais pas détourner mon regard. Son regard semblait si sincère. Je me mis une gifle mentale, mais il approcha sa main de ma joue, et doucement il la caressa. Une légère décharge électrique me parcourut. Je me décalai, ne supportant plus le contact physique. Je ne voulais plus qu'il me touche.

- Anaëlle tu vas mieux ? me demanda-t-il.

Je sentis mon visage qui s'enflammait, pour je ne sais quelle raison, de rage sûrement. Alors, gênée, colérique et sur les nerfs, je me relevai et me dégageai rapidement. Ignorant, mon perpétuel vertige, je balbutiai :

-Oui, ... Oui, je... Enfin je... J'y vais ! Au revoir !

Et sans me préoccuper de ma tenue, de mon mal être ou de la Chose, je me dépêchai d'atteindre la porte. Mais avant que je n'aie pu, on me plaqua contre le mur. Et je me retrouvai ENCORE une fois, à quelques centimètres du visage de la Chose, qui me soufflait :

-Tu n'es vraiment pas possible l'Emmerdeuse ! Pourquoi tu me n'écoutes jamais ?! Je suis fatigué, tu me fatigues...

-Et j'en suis vraiment désolée, alors pour que tout soit régler laisse-moi partir ! Je t'en supplie laisse-moi y aller, lui dis-je désespérée.

Il soupira exaspéré.

-Même si je te laissais y aller, où irais-tu ?

Je restai muette, totalement prise de court par sa question. Je lui en voulais tellement d'avoir raison. En temps normal, je détenais tous les savoirs.

-Tu vois... soupira-t-il.

-Loin de toi en tout cas ! lâchai-je.

- Pourquoi ? demanda-t-il amusé.

-Tu m'énerves ! articulai-je nerveuse et exaspérée.

-Oui, c'est vrai que je dois m'excuser de t'avoir sauvé, soigné, ...

-Eh bien, tu es une gentille petite Chose, mais tu vois si déjà tu t'éloignais de moi...

-Mais si je m'éloigne tu vas partir en courant et on va recommencer notre petit jeu de toujours qui commence sérieusement à m'énerver.

Vaincue, je soupirai et me laissai aller sur le sol. Je m'assis. Il m'énervait, dieu qu'il m'énervait, mais il avait raison je n'avais nul part où aller. Je ne m'avouais pourtant pas vaincue. Dès que je saurais où fuir, je n'y réfléchirai pas deux fois.

-Bon, je suis censée faire quoi ? lui demandai-je.

-Pour de vrai ? cria-t-il content. Je veux dire, tu es sérieuse l'Emmerdeuse ? Tu vas vraiment rester et nous écouter Anaëlle ?

-A deux conditions !

-Lesquelles ? me demanda-t-il méfiant.

-Tu vas tout m'expliquer en détails ! Tout ce qui s'est passé pendant ces trois jours, tout ce qui se passe, ce que je fais ici et tout le reste.

Si je devais rester dans ce maudit endroit, je voulais connaître le moindre de ses recoins, et comprendre qui il était, qui étaient les personnes dont il parlait. Reste près de tes amis, encore plus de tes ennemis : personne n'avait eu besoin de me le répéter.

-Et la deuxième ? lança-t-il sans répondre.

-Arrête de m'appeler Anaëlle ou l'Emmerdeuse.

Il rit. Moi non. Dieu, que je haïssais cet horrible prénom !

-Alors comment je suis censé t'appeler ?

-Ana ! Appelle-moi Ana ! lui répondis-je très sérieusement.

La Clef de mon PasséWhere stories live. Discover now