Chapitre 5 : Fuite

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Tout est paradoxe, contraire et oxymore.

Vivant ou mort.

Je descends en haut.

Répand chaos

Grillage blanc auréolé de noir

Ciel rouge au sang bleu du soir

Je monte en bas,

Assassine Mère, déesse de l'Ida.

Décision réfutée

Souffrance désirée,

Punitions de chair

Fin du début de la pire guerre.

Heure de fuir

Moment de s'enfuir.

***

Je ne su pas si ce furent mes nerfs qui craquèrent ou autre chose, mais brusquement, je me mis à rire. A rire, rire et rire sans plus pouvoir m'arrêter. Je riais aux éclats, je n'en pouvais plus. Mes côtes me brûlaient.

Tout le monde se connaissait. Ils avaient tous un lien. Tous les rebelles de la première photo, semblaient avoir été tués. Ils étaient contre le pouvoir en place, contre le Roi et son abominable femme. Et, les personnes de la seconde photo, avaient repris le flambeau de la rébellion après eux.

Valentin prétendait être un médecin, chef des rebelles et être marié à la cousine de la Reine, Malena. Maëlle était infiltrée au Palais, véritable source d'informations. Très bien habillée, maquillée, avec de riches bijoux, elle appartenait sûrement au cercle proche de la Reine. Ce qui impliquait qu'elle n'était pas soumise au Code Civil... La question était : comment avait-elle fait pour y arriver ? Elle semblait attirer par Julien et était aux yeux de tous, une insupportable garce, surtout pour Louna. Maëlle entretenait une relation étrange avec Tomas. Si j'avais bien suivi, il l'avait trahi, je ne savais comment. Ce dernier était membre du Conseil des rebelles. Etait-il marié ? Un proche du Palais ? Louna, meilleure amie de Valentin, femme de Julien, amoureuse de Shakespeare, était également un membre important des rebelles, mais tenue à l'écart des réunions : pourquoi ? Cette jeune fille semblait cacher de nombreux secrets. Je l'avais réalisé, alors que je venais de frapper Julien : elle était arrivée de longues minutes après, n'était visiblement pas avec lui, comme elle me l'avait dit dans les conduits d'aération.

Tout comme son mari, elle était auparavant officiellement morte. Elle menait donc des missions pour les rebelles, mais leurs faux certificats de décès avaient été découverts et il n'y avait plus moyen pour eux d'aider. Ludovic, le garçon qui voulait me vendre, je ne savais rien de lui, tout comme je ne savais rien de Margaux et de Lily-Rose. Sauf une chose concernant cette dernière : elle était morte. Morte de ma main.

Quant à moi, j'étais contre eux, contre les rebelles puisque je venais d'en tuer une.

Mon rire augmenta de nouveau. J'étais solitaire dans une guerre de deux clans, qui manifestement ne m'aimaient pas plus les uns que les autres et je venais en plus d'assassiner un des membres, un proche, des seules personnes qui m'avaient, du moins en apparence, prêté un peu d'attention. J'avais l'impression d'être un jouet qu'on se disputait. Je ris à en hoqueter. Mon dieu !

Je contemplai mon corps. Mes mains : couvertes de sang. Mes vêtements : tâchés de sang. Mon visage et mes cheveux : éclaboussés par le sang.

Comme une marque au fer, le liquide vital de Lily-Rose me recouvrait. J'étais à présent un assassin. Allais-je mourir ? Je ne pouvais m'y résoudre... Je méritais de vivre, j'étais importante, nécessaire. Je devais tuer la Reine et le Roi, peut-être devenir Reine ? Non, ce serait trop de responsabilités. M'emparer de leur richesse et obtenir tout ce que je désirais ? Fort probablement que je l'obtiendrais.

Je fixai une ultime fois le corps de Lily-Rose et je vis le petit chiot que je croyais parti depuis un petit bout de temps. Le petit golden était couché près d'elle, il lui léchait la joue, en couinant doucement. Pleurait-il ? Je ne savais pas...

Je fus soudainement marquée par un détail : son pelage était blanc. Immaculé. Aucune trace de sang. Comment était-ce possible ? Quelque chose ne tournait pas rond, quelque chose n'était pas normal.

Brusquement effrayée par le chien, je reculai jusqu'à toucher la porte. Je l'ouvris à la volée et courus. Je sentis mes muscles fatigués qui protestaient. Mes tendons et mes articulations me brûlaient tandis que mon cœur semblait vouloir s'arracher à ma poitrine. Je ne m'arrêtai pas une fois. Je ne repris pas mon souffle. Je croisais seulement deux personnes. Je ne savais pas si elles m'avaient vu, si pour elles j'importai, mais je n'en avais que faire. Je devais m'éloigner le plus vite possible de ce chien et du maudit cadavre.

Je tenais encore entre mes mains les photos et le document apportés par le chien. Je ne comprenais pas pourquoi je ne les avais pas laissés. Je voulus les lancer, les abandonner, mais quelque chose me retint. J'allais en avoir besoin. Je forçai sur mes jambes, accélérant alors que tout mon corps ne réclamait que le repos. Ma tête clamait l'effort, le surpassement de soi, tandis que mon corps laissé tomber, complétement épuisé.

Malgré ma détermination, je fus forcée de m'arrêter. Devant moi, Valentin, le petit chiot.

Comment était-il arrivé ? Comment avait-il su que j'étais là ? Comment avait-il fait pour arriver avant moi ? C'était impossible !

Et alors, que je commençai à reculer. Il montra les crocs. Il aboya et me sauta dessus. Je criai de terreur. Il plongeait vers mon cou. Il l'attrapa à pleine gueule. Mais, je ne sentis rien. Pas de douleur. Pas de souffrance. Etrange. Le chiot se recula et me fixa.

Et alors, subitement, le beau pendentif aux diverses couleurs, jaune, orange, rose, bleu, vert, beige, changea. Il sembla se scinder en six. Comme si la pierre du centre, avait été séparée en six. Six parties pour six couleurs : le gris, le violet, le rouge, le marron, le noir et le blanc. Les deux premières couleurs étaient ternes, effacées, moins « flamboyantes » que les trois dernières. Le rouge, lui, n'était ni terne ni rayonnant. Comme s'il hésitait. Que se passait-il ? Que signifiaient ces couleurs ? Qu'avait fait le chien fait au pendentif ? Comment ? Pourquoi ? J'étais perdue.

Et alors que je tentai désespérément de comprendre comment le pendentif avait pu changer, une effrayante voix qui venait à la fois de nulle part et de partout clama :

« Six couleurs. Deux valeurs. Quatorze joueurs. Six vainqueurs. Huit corps. Sept morts.
Quand lâcheté, jalousie et faiblesse s'uniront, le Premier disparaitra.
Quand les aiguilles cesseront de tourner, la douleur du Second cessera.
Quand Vengeance se déchaînera, le Troisième agonisera.
Quand douleur et désir s'emboîteront dans le jeu, le Quatrième déclarera forfait.
Quand son propre venin empoisonnera le serpent, le Cinquième sera torturé.
Quand Amour véritable sera déclaré, le Sixième sera éliminé.
Quand Violence, Rancœur et Haine s'empareront d'une âme innocente, le Septième perdra.
Quand Orgueil cessera de blâmer Humilité, l'Ultime abandonnera.
Les destins sont liens. Les liens sont destins.
Le cycle de la vie sacrifie.
Donne la vie, et vole une vie.
Qui survivra ?
Qui renaîtra ? »

Je restai coite devant cette incompréhensible tirade. D'où venait cette voix ? Pourquoi avais-je la sensation de la connaître ? Pourquoi avais-je la terrifiante impression que c'était le chien qui me parlait ? Plongée dans mes pensées et vraiment perturbée, je sautai à plusieurs mètres de l'endroit où j'étais au moment où une alarme retentit brisant le peu de sérénité du centre rebelle.

Cette bruyante et assourdissante sonnerie sonna pendant plus de six minutes. Ensuite, le silence fut de mise. Pas un bruit, pas un souffle.

Ce fut un cri très aigu qui rompit la tension. Le cri le plus effroyable, le plus terrifié, le plus désespéré que je n'avais jamais entendu. L'incomparable chant de la souffrance et de la perte.

La Clef de mon PasséWhere stories live. Discover now