Mywritings65

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Ce soir-là, je m'ennuyais dans mon appartement. Je décidai d'aller me promener en ville malgré la pluie et le froid hivernal. C'est là que je la rencontrai.

Je marchais tranquillement sur le pont appelé Grognon. Je gardais une main dans une poche pour la tenir au chaud pendant que l'autre tenait mon parapluie. Et je l'aperçus.

Elle était debout sur le pont, le regard vers la citadelle illuminée. Elle restait immobile et était trempée de la tête aux pieds. Je m'en approchai :

- Vous voulez vous suicider ? lui demandai-je, incertain de l'impact de mes paroles.

Elle rit :

- Non ! J'admire la vue, répondit-elle.



- Et vous êtes obligées de monter sur le bord pour ça ? Venez, j'ai un parapluie : vous ne risquerez plus de tomber dans l'eau et vous serez à l'abri de la pluie.

Elle rit encore et secoua la tête :



- Non merci. Il faut pouvoir prendre des risques dans la vie.



- Des risques tels que rester sans parapluie sous la pluie ?



- Exactement !

Je refermai mon parapluie. Souriante, elle descendit du pont et s'avança vers moi. Elle avait une coupe carrée et des cheveux roux, et je percevais des yeux bruns à la lueur des lampadaires. Ses cheveux commençaient à onduler à cause de la pluie. Elle portait un long manteau gris à carreaux et avait des mitaines.



- Je vous emmène boire un verre, proposai-je sans réfléchir.

A ma grande surprise, elle accepta. Nous nous rendîmes dans un bar près du théâtre de Namur. Une fois installés, elle me dit.



- Au fait, je m'appelle Emilie.



- Maxime.



- Enchantée.

Elle souriait constamment. Elle était affreusement belle !



- Vous êtes différent des autres, dit-elle.



- Je peux vous dire qu'il en est de même pour vous ! En quoi suis-je différent, si je puis me permettre ?



- Vous n'avez pas insisté pour que je descende du pont. Vous ne m'avez pas obligée à venir sous votre parapluie, au contraire, vous l'avez refermé.



- Ça se tient.



- Et moi, pourquoi suis-je si différente ?



- Vous n'avez pas l'air de craindre la vie.

Elle sourit. C'était un sourire signifiant qu'elle connaissait déjà cette phrase, que beaucoup d'autres avant moi la lui avaient déjà répétée.



- La vie n'est qu'un mensonge, répliqua-t-elle.

Cette réflexion me surprit mais m'intéressa beaucoup. Je la questionnai pour en apprendre davantage :



- Ah oui ?



- Oui. La politique est un lot de mensonges, mais ça, tout le monde le sait déjà. Les gens se mentent à eux-mêmes. On se cache tous derrière une facette, un masque. Nous jouons tous des rôles, une personne que nous ne sommes pas. Vous aussi, vous jouez un rôle en ce moment même !



- Genre !



- Je vous assure ! Aborder une fille au bord d'un pont, ce n'est pas une chose que vous feriez tous les soirs. Dire que je suis différente des autres, jouer le jeu, m'emmener boire un verre, ... Tout ça fait que vous jouez dans les règles du jeu, de la société ! Vous vous comportez ainsi avec toutes les femmes que vous rencontrez.

J'eus un rire gêné avant de lui avouer, en espérant qu'elle me croit :



- Emilie, ça fait longtemps que je n'ai pas pu être moi-même avec une fille. Avec vous, je ne joue pas de rôle, je peux enfin être moi. Si vous tenez tant à contrarier les clichés, je vous laisse payer l'addition.



- Ça marche !

Elle paya directement et me proposa d'aller faire un tour. J'acceptai volontiers ! Cette fille me fascinait. Je n'aurais voulu la quitter pour rien au monde !

Emilie m'emmena à la citadelle. Nous montâmes les marches d'un grand bâtiment en pierre qui mènent à son toit plat. Nous admirâmes la vue et eûmes le monde à nos pieds ! Cette vue était magnifique : la Sambre, les lumières, le paysage qui s'étendait à l'horizon !



- Nous sommes sur le toit du monde, Maxime ! dit Emilie. La vision s'étend à perte de vue. On se sent puissant. Mais moi, quand je suis ici, je me sens vivante. Je sens la peur m'envahir quand je regarde en bas. Je respire avec tout ce vent qui me fouette le visage. Et c'est bon de se sentir vivre ! Et c'est ça l'important, Maxime. Ce soir, on va vivre !

Ses discours me paraissaient tellement vrais. Je comprenais sa façon de penser. En fait, j'avais la même vision des choses qu'elle, mais je venais seulement de m'en rendre compte.

Nous descendîmes les escaliers et elle m'emmena dans un parterre verre, toujours à la citadelle. Elle se coucha dans l'herbe et j'en fis de même.



- J'ai longtemps cru que le ciel serait ma tombe, mais c'est ma toile, déclara Emilie. En fait, ça me fait rêver. J'ai toujours voulu aller dans l'espace. Eté comme hiver, je me couche dans l'herbe et regarde les nuages. J'ai l'impression que le ciel nous parle à travers des formes abstraites.

Elle me prit la main. A cet instant, je sentis mon cœur battre la chamade dans ma poitrine. J'étais en train de tomber amoureux...

Au bout d'un moment, elle se leva et proposa de rejoindre la ville. Son enthousiasme semblait s'être envolé, parti, mais elle gardait néanmoins sa démarche légère.

Arrivés au Grognon, elle m'embrassa. C'était un beau baiser, le meilleur que j'aie jamais eu de ma vie ! Mais elle s'arrêta brusquement et me dit :



- Je suis ta chance et t'es la mienne, Maxime. Je t'ai ouvert les yeux et tu as ouvert les miens. Je t'en remercie. Mais je ne suis qu'un mensonge. Ce que nous venons de vivre ne se représentera plus jamais. Au revoir Maxime, et merci pour cette soirée.

Elle tourna les talons et partit. Je la regardai s'éloigner, sans comprendre. Je me demandai si elle voulait que je la rattrape ou si je devais la laisser s'en aller. Ça devait être un test. Je murmurai :



- C'était de l'or.

Je souris et lui criai :



- C'était de l'or cette soirée !

Elle se retourna et me fit un signe de la main avant de poursuivre sa route. Cela me confirmait que je devais la laisser, sinon elle serait revenue vers moi en courant. Enfin, je suppose...

Je n'avais qu'une envie : la suivre jusqu'au bout du monde ! Mais je compris plus tard que cette soirée devait rester unique dans nos mémoires. C'était ce qu'elle voulait. Et même si j'avais du mal à l'accepter, c'était ce que je voulais aussi.

Concours de Noël 2016Where stories live. Discover now