La Vengeance • DRAMIONE

1 • La liberté •

Il regarda d'un air sombre le juge qui lui faisait face, lui si bien installé dans son fauteuil rembourré, dans son costume de magistrat, alors qu'il était sur une vulgaire chaise en bois, vêtu de haillons, les jurés lui lançant des regards méprisants. La pièce dans laquelle il était, bien qu'elle soit vaste, le faisait suffoquer.

Malgré le calme dont il paraissait maître, il en était pourtant tout autrement. Son cœur battait vite. Très vite. Son dos, dissimulé par les vêtements crasseux et rapiécés, était perlé de sueur froide. Des fourmillements le démangeaient dans tous les membres. Sa respiration, qu'il tentait de maîtriser, était précipitée. Pourtant, quand on le voyait, il était impossible de déceler la crise d'angoisse qui menaçait de le submerger.

Aujourd'hui âgé de dix huit ans, sa vie était entre les mains de ses deux défenseurs, ses pires ennemis. Enfin, c'est ce qu'il avait cru jusqu'à aujourd'hui. Il devait déjà la vie à Potter, maintenant il lui devait également sa liberté. Et elle, cette jeune femme dont il n'éprouvait que du dégoût, l'avait elle aussi bien tiré d'affaire. Sans eux, il croupirait encore en prison, comptant les jours, les heures et les minutes. Sans doute y serait-il resté pour le restant de ses jours. Alors même qu'il se savait innocent, il avait failli ne plus y croire.

- Monsieur Malefoy n'a pas commis les crimes dont on l'a accusé, disait fermement Granger, une conviction spectaculaire dans la voix. Harry vous a fournis les souvenirs de Severus Rogue, il a témoigné alors qu'il était présent lors de l'assassinat d'Albus Dumbledore. Il n'a pas plus torturé qui que ce soit, ni même accompli les desseins de Voldemort. Il a même tenté de sauver Harry. Et il n'a pas suivi son père quand il a pris la fuite. Monsieur le juge, les jurés, il n'a pas été exemplaire, il a fait des erreurs. Nous en avons tous fait. Reconnaissez qu'il a été sous mauvaise influence.

- Miss Granger, dit le juge, les sourcils froncés, qui nous dit qu'à l'instant où il mettra un pied dehors, il n'ira pas rejoindre son père qui, je vous le rappelle, a repris la tête des mangemorts, eux-mêmes en fuite ?

- S'il avait voulu le rejoindre, il l'aurait fait depuis longtemps. Vous n'auriez pas pu procéder à son arrestation, objecta Granger. Il a été berné par les idéologies de Voldemort depuis sa naissance. Et pourtant, regardez-le, il n'a pas commis ces crimes. Il n'est pas foncièrement mauvais. Sans compter que Lucius Malefoy a tué sa femme, Narcissa Malefoy, pour trahison. Comment Drago Malefoy aurait-il pu lui pardonner ?

- Bien, merci, Miss Granger. Procédons au vote.

Il déglutit avec difficulté, son coeur allait exploser. Des bourdonnements incessants menaçaient de le rendre sourd à tout moment. Pas une seule fois, ni Potter, ni Granger, n'avaient osé le regarder. Ils devaient eux-mêmes se demander comment ils en étaient venus à le défendre. Ah, bien sûr, ils étaient bons et généreux, capable de pardonner. Ils faisaient la justice et pour une fois, la justice semblait être de son côté. Parce qu'il avait été lâche.

Granger avait tort de croire qu'il avait, quelque part dans les abysses de son être, ce qu'elle appelait la bonté et l'espoir, et que c'était cette fatalité qui l'avait empêché d'agir. Oh, non, elle se trompait. S'il avait eu les tripes de les faire, évidemment qu'il les aurait commis ces crimes... Quand on vivait dans l'idée de survie, car Voldemort avait été impitoyable avec sa famille, il fallait se plier aux ordres. Il n'en avait pas été capable.

Weasley n'était pas venu. Il n'avait d'ailleurs jamais pris part à cette affaire. Il devait trop le détester pour ça. Sa rancune était donc à ce point.

- Que ceux qui veulent une condamnation à perpétuité, lèvent la main, déclara le juge.

Il balaya la vaste pièce du regard, retenant inconsciemment sa respiration. Le juge levait lui-même la main, observant d'un œil critique les jurés. Certains d'entre eux levaient également leur main, mais il n'avait pas la force de les compter. Non, il n'osait pas. Il se refusait d'avoir un peu d'espoir pour que l'instant d'après, il soit une nouvelle fois anéanti.