Partie 3

1.5K 136 14
                                    

La plaine fertile de Catalan s'étendait à perte de vue. La route serpentait sous les yeux d'Eliam au milieu des pâturages et champs de céréales. L'aube se levait à peine, et le soleil piquait déjà. Un temps idéal pour les moissons.

La chaîne des montagnes de Saillans s'élevait face à lui. La capitale du Royaume, Estran, se situait juste derrière. Il voulait passer le col d'Ignam en mi-journée, après il ne leur resterait qu'une douzaine d'heures de route. Il avait de la chance d'être en plein été, sinon il leur aurait fallu une journée de plus. Suite à l'annonce du Chevalier, Eliam avait immédiatement pris la route, Lalikine et Désone sur ses talons. Ils avaient chevauché toute la nuit. Désone était resté à Londemare pour gérer l'équipage et le déchargement du Mandragore.

Le chevalier n'avait pas pu en dire plus à Eliam. En général, on le laissait en dehors des affaires du Royaume, son frère aîné était là pour seconder le roi. Lui avait tout loisir de naviguer, le seul devoir qu'il s'imposait était de protéger ses hommes et de décimer la flotte d'Elenith. C'est pourquoi Eliam galopait à pleine vitesse. Il ne ressentait pas encore la fatigue d'une nuit sans sommeil. Il voulait arriver auprès de son père le plus vite possible, pour pouvoir repartir le plus rapidement. Parce que malgré son apparente indifférence, une angoisse grandissante l'étreignait à mesure qu'il approchait d'Estran.

Il avait embarqué pour la première fois sur un navire à l'âge de treize ans, sous la protection de son oncle, mais la peur au ventre. Et pourtant, en mer, à parcourir le monde, il avait trouvé l'évasion, la liberté à laquelle il avait toujours aspiré. Il avait appris à aimer cette vie d'épreuve, de tempêtes, instable et fraternelle. La vie en mer lui apportait une paix, une discipline qu'il n'avait jamais acceptée auparavant. D'ailleurs aussitôt à terre, il redevenait le chien fou impulsif et impertinent qu'il avait toujours été. Depuis, il n'était jamais revenu au château plus de quelques jours, de peur qu'on l'empêche de repartir.

Eliam et ses lieutenants arrivèrent enfin au pied des montagnes. Ils s'arrêtèrent un instant sur les rives d'un torrent pour se désaltérer. Ils étaient tous trois recouverts d'une poussière qui leur collait à la peau et aux vêtements et leur rougissait les yeux. Ils abreuvèrent leurs chevaux en silence, chacun économisant ses forces, préoccupés par la requête du Roi. Ils remontèrent rapidement en selle.

En fin d'après-midi, ils parvinrent dans un petit village à flanc de montagne. Ils mirent un pied à terre devant la seule auberge. Ils ne tenaient plus debout et leurs montures étaient fourbues. Les trois hommes entrèrent dans la bâtisse sombre et miteuse. Le tenancier se tenait derrière un comptoir.

- Messeigneurs ?

- Bonjour, trois chambres s'il vous plaît, demanda Lalikine.

- Désolé, mais nous avons du passage en ce moment, je n'ai plus qu'une chambre disponible.

- Tant pis, nous la prenons, dit Eliam en posant quelques pièces d'or sur le comptoir, ça devrait suffire pour nous trouver des chevaux frais.

- Oui, répondit l'homme en récupérant l'or.

- Il faudrait nous réveiller dans six heures et nous préparer des repas, dit Eliam.

- Bien, suivez-moi, je vais vous montrer la chambre.

Eliam, Lalikine et Shilar suivirent l'homme jusqu'à l'étage. Il leur ouvrit la dernière chambre, obscure, sans même une fenêtre.

- Voilà, dit l'homme avant de quitter la pièce.

- Et bien au moins il y a grand lit, s'écria Lalikine, allez viens par là mon lapin, dit-il à l'attention de Shilar en s'écroulant sur le lit, dans un rire.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now