Partie 10

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Le voyage eut beau paraître une éternité à Garance d'Elenith, quand elle se retrouva face au camp ennemi, il lui parut bien trop court. Mieux valait un seul de ces rustres que toute une armée. Ils se tenaient sur l'une des collines qui surplombait la plaine d'Amarylis. Au loin, les remparts de sa capitale, étincelante comme le diamant du sud qu'elle était. Entre eux, les mille feux de l'armée des barbares du Nord. Eliam de Saillans avait arrêté leur monture sur le sommet de la côte, il tendit à la jeune femme la cape noire qu'elle portait avant son bain.

- Couvrez-vous, dit-il.

La jeune femme saisit son vêtement et en se retournant elle vit que son adversaire avait toujours un sourire arrogant figé sur ses lèvres. Cependant, il était nettement moins serein et tranquille que deux heures auparavant. Garance revêtit sa cape, en recouvrant soigneusement son visage.

Eliam héla sa jument et ils commencèrent la descente. Le cheval du prince, un étalon noir, aussi massif que son maître, les suivait docilement depuis la plage. Ils furent en peu de temps aux portes du camp. Dès qu'ils virent le prince, les gardes les laissèrent passer, intrigués par la silhouette noire. Le campement était au repos. Quelques braseros brûlaient au milieu des tentes.

Garance savait que désormais personne ne viendrait la chercher derrière les lignes ennemies, et de toute façon, personne ne savait où elle se trouvait. Si sa situation à Amarylis n'était pas envieuse, elle était en quelques heures devenue réellement critique. Cyrius était un ennemi contre lequel elle avait les moyens de lutter ou du moins d'essayer, contre Saillans que pouvait-elle faire ? Elle était une vulgaire poupée de chiffon contre Eliam de Saillans, son père aurait tout loisir de faire d'elle un gibier de potence. Son seul recours aurait été d'être une monnaie d'échange, mais elle avait donné à Cyrius l'opportunité de se débarrasser d'elle sans même se salir les mains. En traversant le camp dans les bras de son ravisseur, elle ne visualisait aucune issue positive au bourbier dans lequel elle se trouvait. Cette fois, il allait lui falloir un peu de chance. Ils arrivèrent bientôt devant une tente plus grande que les autres. Deux colosses se tenaient devant l'entrée. Décidément, les hommes de Saillans étaient tous plus ou moins des montagnes. Ces deux-là avaient en plus une mine renfrognée de chiens de garde. Son ravisseur stoppa la jument. D'un bond, il était au sol. Il tendit les rênes à l'un des soldats. Puis sans même un regard, saisit la jeune princesse par la taille et la descendit à terre. Garance remarqua que désormais le Prince affichait un visage fermé et tendu.

- Le Roi est-il là ? demanda-t-il aux gardes.

- Oui, mon prince.

Eliam entraîna la jeune femme dans la tente. Il avait espéré ne pas revoir son père avant l'aube, mais il n'avait aucune envie qu'on lui reproche d'avoir fait entrer une femme et d'autant plus une ennemie dans le camp. Et puis il devait bien se l'avouer cette mystérieuse inconnue l'intriguait. Elle faisait sans nul doute partie de la cour d'Elenith, son parler, son maintien en attestaient. Il trouva son père et son frère toujours attablés au dessus des cartes, à la lumière des bougies. Eliam s'était si bien fait à la douce lueur de la lune qu'il se trouva presque ébloui par la clarté des dizaines de chandelles parsemées à l'intérieur.

- Te revoilà, dit son Père, d'une voix sourde, sans même lever les yeux de la table.

Eliam ne répondit pas.

- Que nous amènes-tu ? demanda Galahaad en désignant la silhouette noire qui se tenait au côté de son frère. Le roi releva enfin la tête.

- Je l'ignore. Je l'ai trouvée sur l'une des plages à deux heures de là, répondit Eliam. "Voulez-vous ôter votre vêtement," dit-il à la jeune femme.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now