Partie 5

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L'océan s'étendait à perte de vue. Le reflet de la lune parait la surface de l'eau de milliers d'éclats de lumière. Dans l'obscurité de la nuit, une silhouette féminine sortit lentement de l'eau. La lumière se reflétait sur le corps de la jeune femme, illuminant sa peau d'albâtre, couverte d'une fine chemise de coton blanc, rendue transparente par la baignade. Mince, sans être frêle, élancée, avec des jambes sans fin. Sa longue chevelure brune cascadait jusqu'à ses reins. Démarche chaloupée, port altier, regard fier, elle avait la grâce d'une reine. Ses pas foulèrent le sable sec. Les embruns marins caressaient sa peau fine. Malgré la chaleur de cette nuit d'été, elle laissa échapper un frisson. Sur la plage, elle récupéra un vêtement qu'elle avait posé sur un rocher. Elle couvrit sa peau pâle de la longue cape, la noua à la taille et jeta la capuche sur ses cheveux, recouvrant ainsi une grande partie de son visage. Elle courut, pieds nus jusqu'au bout de la plage où un cavalier, vêtu lui aussi d'une pèlerine l'attendait.

- Princesse, dépêchons-nous, l'aube ne va plus tarder.

La jeune femme ne répondit pas, elle se contenta de saisir les rênes qu'il lui tendait et grimpa en selle. Ils partirent au galop en direction d'Amarylis, la capitale Elenith.

Vingt minutes plus tard, ils arrivaient en vue de la cité blanche. Les hauts remparts s'élevaient devant eux. Des milliers de torches illuminaient la ville de craie. Immense, éclatante, éternellement animée, Amarylis était un diamant au comble du raffinement.

Ils contournèrent la porte occidentale et passèrent par une entrée peu fréquentée qui donnait sur l'arrière du palais. La jeune femme et le cavalier descendirent de cheval. L'homme saisit les rênes de leurs deux montures.

- Princesse, ne traînez pas, rejoignez vos appartements.

- Bonne nuit Lahur. Répondit-elle en s'engouffrant dans une des entrées dérobées du palais.

Elle grimpa l'escalier quatre à quatre. Elle traversa nombre de couloirs, mais à cette heure, elle ne croisa que quelques gardes endormis. Elle atteignit sa chambre à bout de souffle, puis referma la double porte en douceur. Ses appartements baignaient dans la lumière tamisée des bougies. Elle traversa le boudoir, dénoua sa cape, qu'elle laissa tomber à terre puis s'écroula sur l'immense lit qui trônait au milieu de la pièce. Elle se roula dans la fraîcheur des draps de soie blanche.

Cela faisait des jours qu'elle attendait l'occasion de pouvoir s'échapper du palais pour rejoindre l'océan. Se perdre dans les vagues était sa bouffée d'oxygène. Malgré le manque de sommeil, elle se sentait apaisée. Chacun de ses membres endoloris lui donnaient la sensation de maîtriser sa vie, la douleur physique était bienfaitrice, elle donnait de la clarté à ses pensées. A cet instant, elle entendit un bruissement de tissus. Ilith, sa servante s'approcha discrètement et détacha les voiles du baldaquin en fer forgé pour que la princesse puisse dormir le plus longtemps possible. Elle était habituée aux escapades nocturnes de sa maîtresse. Mais dans une petite heure, le soleil se lèverait et la jeune femme devrait affronter une nouvelle journée d'épreuve. Ilith voulait repousser l'échéance, autant que possible.

Alors que la nuit s'éclaircissait, le sommeil terrassa enfin la jeune Garance d'Elenith. Pour quelques heures, elle sombra dans ses habituels cauchemars, teintés d'angoisse et d'appréhension. Depuis que son père se mourrait d'une maladie inconnue, la princesse ne dormait plus vraiment. Assaillie par les complots, elle devait tisser des alliances, tenter de sauver sa vie. Les semaines passant, son père s'affaiblissait, laissant le conseil régir le royaume et imposer Cyrius. La loi salique était contre Garance. Malgré l'assentiment du peuple, le conseil voyait en son cousin Cyrius une alternative au respect des traditions. La jeune princesse aurait pu accepter son sort, garder son rang, se contenter d'un rôle figuratif et épouser l'homme qu'on lui destinerait. Mais elle en était incapable. Toute sa vie, elle avait été l'objet d'un père absent et distant, aujourd'hui elle devait devenir celui d'un époux. Elle avait lutté contre son père, refusé les quelques prétendants qu'il lui avait choisis, mais elle savait qu'elle était parvenue à lui résister car le Roi n'était pas encore décidé à vendre. Il n'en irait pas de même avec Cyrius, sitôt le Roi trépassé, il la livrerait pieds et poings liés à quelques seigneurs. Mais Garance entendait bien résister au sort qu'on lui réservait, et elle l'avait bien fait comprendre à son fourbe cousin. Cependant, elle payait le prix de ce choix chaque jour, car elle était devenue un grain de sable dans les rouages de son accession au pouvoir. A dix-sept ans, elle montrait à ses adversaires et à ses partisans une force qu'elle n'avait pas.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreDove le storie prendono vita. Scoprilo ora