Partie 25

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Désone reprit la route de Londemare deux jours plus tard, avec un très mauvais pressentiment. Eliam lui avait laissé une étrange impression. Désone le connaissait suffisamment pour remarquer que son habituelle nonchalance était feinte, surtout en présence de Garance d'Elenith. Quand le Prince et sa captive étaient dans la même pièce, ils semblaient se déplacer l'un par rapport à l'autre comme si une alchimie s'installait. Le regard d'Eliam s'attardait trop longuement sur la silhouette de la Princesse. Il n'avait pas osé parler à son ami, mais il repartait en mer avec de lourds soupçons.

Estran attendait avec morosité le printemps et le retour de l'armée tandis que le dégel s'amorçait. Chaque famille espérait revoir un père, un frère ou un fils, mais sans aucune certitude. La guerre, tout comme l'hiver, n'en finissait plus.

Eliam dont la patience n'avait jamais été le fort, arpentait Estran jour après jour, tel un lion en cage. Le fait de savoir que la guerre avait une chance de prendre fin ajoutait encore à sa fébrilité. Galahaad parviendrait-il à faire plier son père et Cyrius ? Trouveraient-ils un accord ? Combien des braves guerriers de Saillans rentreraient sains et saufs ? Le Roi accepterait-il que Garance devienne sa femme, ou devrait-il l'affronter à nouveau ? Garance, quant à elle, l'inquiétait énormément. Elle semblait ne pas se remettre de la mort de son père, elle s'enferrait sous un monceau de culpabilité, restait des journées entières prostrée dans sa chambre. Chaque nuit, il la retrouvait et chaque nuit elle lui demandait de lui faire l'amour. Même s'il lui était de plus en plus difficile de lui résister, il ne parvenait pas à se résoudre à lui céder, car il y avait dans sa supplique un désespoir immense qui le terrorisait. Chaque baiser passionné qu'elle lui donnait ou lui rendait était empli de tristesse, comme s'il était le dernier.

L'après-midi touchait à sa fin quand il descendit de cheval dans la cour du château. Il vit la silhouette de Garance disparaître dans le bois. Il remit les rênes de sa monture à l'écuyer et suivit la jeune femme. Une fine couche de neige recouvrait la verdure, il n'eut aucun mal à suivre ses pas. Il savait pertinemment qu'elle n'était pas chaussée pour affronter ce froid. Il accéléra l'allure le long de la pente jusqu'à parvenir à l'étang qui marquait la fin du bois et jouxtait l'enceinte du château. Le crépuscule et l'acoustique hivernale donnait à cet écrin de verdure, l'impression d'être hors du temps, tant il dénotait avec l'architecture massive et grise d'Estran et son activité constante.

Eliam trouva la jeune femme blottie contre arbre, le regard perdu sur l'étendue gelée. Eliam s'approcha d'elle, sans qu'elle ne l'entende. Il avait la capacité, malgré sa carrure et sa musculature impressionnante de se mouvoir avec souplesse et discrétion.

 C'était ici que je venais me cacher quand j'étais enfant.

Garance eut un sursaut de surprise, puis se retourna et lui sourit.

 Je ne t'avais pas entendu, lui répondit-elle alors qu'il s'approcha pour lui voler un baiser.

Leurs lèvres se scellèrent avec une passion dévastatrice, ils leur suffisaient de se trouver à quelques centimètres pour que l'air ambiant se charge d'électricité. Le parfum de sa peau, la douceur de ses lèvres, suffirent à enflammer Eliam. Il saisit la taille de la jeune femme et la pressa contre lui. Son corps souple et chaud lui rappela immédiatement la nuit précédente, et le désir qu'il muselait depuis des semaines se déversa dans les veines. Son sang se mit à bouillir et il perdit toute notion de lieu ou de temps. Garance répondait à chacun de ses baisers, à chacune de ses caresses par des gémissements.

 E...liam, haleta-t-elle contre ses lèvres.

 ...

 Eliam...quelqu'un pourrait...nous voir.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now