Partie 7

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La ville blanche d'Amarylis tremblait sous les coups de tocsin. L'alarme résonnait le long de chaque impasse, rue et avenue, parvenant jusqu'au palais. Des semaines d'attente, d'angoisse, avaient précédé cet instant. Quand Garance sortit des appartements de son père, les cloches retentissaient encore dans toute la ville, trouvant une résonance jusqu'au creux de ses tripes. Elle s'adossa un moment contre le mur de marbre blanc. Elle tentait de retrouver son souffle. Il était désormais clair que cette journée ne serait comme aucune autre. Saillans aux portes d'Amarylis ! Malgré les menaces, les prémices de préparatifs, le royaume n'avait jamais réellement envisagé une offensive de leur vindicatif voisin. Le roi Acôme et ses deux fils étaient finalement aussi fous qu'on le disait, encore plus fous que l'Empereur qui n'osait pas même s'attaquer ouvertement à la puissance commerciale d'Elenith. Les barbares du Nord n'avaient aucune chance de prendre Amarylis. Ils étaient parvenus aux portes car aucune résistance ne protégeait les campagnes. En revanche, la capitale était une forteresse quasiment autonome et forte de quinze mille combattants entraînés. Le choc passé, la jeune femme avait repris ses esprits. L'antagonisme entre les deux patries ne datait pas d'hier. Leur histoire commune était semée de tensions, de trêves puis d'escarmouches. La dernière véritable guerre remontait à la création d'Elenith, des siècles auparavant.

Avec un peu de recul, elle était persuadée que ces hordes barbares sèmeraient quelque peu le chaos dans les campagnes environnantes mais seraient bien incapables de s'emparer du pouvoir. En revanche, la belligérance de Saillans allait un peu plus déstabiliser le conseil. Le statut quo sur l'héritage du pouvoir qu'avait instauré la maladie soudaine du roi risquait de sauter comme le verrou d'une porte forcée. Cyrius allait s'engouffrer dans la brèche, indéniablement. Garance eut la certitude que les tocsins allaient accélérer son destin, elle reprit alors brusquement son chemin. Il lui fallait se rendre dans la salle du conseil, elle s'était trop longtemps tenue loin des affaires du royaume, attendant qu'on la sollicite, ce que son statut de femme lui imposait. Elle avait laissé un parvenu distiller son venin au sein du pouvoir. Elle avait détesté son père, aveuglé par la loi salique, d'avoir laissé autant de marge de manoeuvre à Cyrius. Elle devait l'arrêter avant que le conseil ne le déclare indispensable.

La princesse avait transformé ses pas mesurés en une course effrénée, elle traversa un à un les couloirs du palais. Les travées de marbre blanc lui paraissaient sans fin. Derrière elle, elle entendait l'épée de Lahur battre la mesure sur son pantalon de cuir. Elle parvint enfin à l'entrée de la salle du conseil par les étages supérieurs, dominant la foule qui se massait devant les portes closes de l'amphithéâtre du pouvoir. Elle descendit le large escalier qui ceinturait la pièce d'en haut jusqu'en bas. Les notables de la cour trépignaient d'impatience, dans l'attente d'une décision du conseil. La peur se lisait sur chaque visage. Garance sut que Cyrius n'aurait que la carte de la panique à abattre pour prendre le pouvoir. Elle se fraya un passage dans la foule jusqu'à atteindre les lourdes portes de la salle du conseil. Une dizaine de gardes la bloquait. Ils s'écartèrent lorsque la jeune femme leva les yeux vers eux. Elle se retourna, intimant silencieusement à Lahur de rester en retrait. Face à elle, les portes sculptées de bois noirs s'élevaient sur trois mètres de haut, elles commencèrent à s'ouvrir, lentement, ralenties par leur poids. Quand l'espace fut suffisant pour que la jeune femme puisse s'y glisser, elle prit une profonde inspiration et s'engouffra dans l'antre du pouvoir.

L'amphithéâtre de marbre blanc était baigné dans la lumière de l'immense verrière. Les vingt conseillers se tenaient sur les marches. Au centre de la pièce, Cyrius haranguait l'assemblée vêtue de la toge blanche des politiciens d'Elenith. Garance s'avança au coeur de l'amphithéâtre. Un murmure parcourut l'assemblée. Cyrius se tut et se retourna. Il dévisagea la jeune femme, puis l'interpella.

- Princesse, quelle surprise ! Que nous vaut le plaisir ? s'écria Cyrius.

- Les troupes de Saillans à nos portes me semblent une raison suffisante de participer au conseil.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreDonde viven las historias. Descúbrelo ahora