Partie 16

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Le jour se levait dans un brouillard intense. Du feu, il ne restait que quelques braises rougeoyantes. L'étalon grattait le sol à la recherche de fourrages sous les centimètres de neige. Garance était blottie, dos à Eliam, dont le visage était enfoui dans sa chevelure. Il s'éveilla en sursaut, et sauta sur ses pieds, bousculant Garance.

- Nom de Dieu, dit-il en ébouriffant sa chevelure hirsute.

Il n'en revenait pas qu'il ait pu s'endormir toute la nuit. La tiédeur du corps de la jeune femme était décidément un puissant somnifère. Il glissa sa dague à la ceinture et s'approcha de la jeune femme. Son réveil en sursaut ne semblait pas l'avoir réveillée. Elle gisait, couchée sur le côté, sous une montagne de fourrures, tournant le dos à Eliam. Il glissa une main sous les épaisseurs la posant sur son épaule. En touchant son omoplate saillant, il se rendit compte qu'en quelques jours elle avait énormément maigri. Il la secoua doucement.

- Garance, réveille-toi, nous devons y aller, murmura-t-il.

Aucune réaction, il la tira vers lui et elle roula sous le dos. Ses paupières papillonnèrent et Eliam reprit son souffle. Il ne s'en était pas rendu compte, mais son coeur battait à tout rompre et il était en apnée. Le visage de la jeune femme était incroyablement pâle, contraste saisissant avec sa chevelure de jais. Ses traits étaient émaciés par la faim, la fatigue et le froid. A ce rythme, elle ne tiendrait pas longtemps.

- Garance, il faut te lever, je te promets un lit et un repas bien chaud avant ce soir, répéta-t-il.

Les lèvres de la jeune femme bougèrent un instant sans qu'aucun son audible n'en sorte, puis elle parvint à articuler :

- Je ne peux pas, je n'en peux plus, laisses moi, continue ta route.

- Que dis-tu ! Allez-viens. Je ne te laisserai pas ici.

- Ici ou ailleurs...quelle importance, répondit la jeune femme en refermant les yeux.

Eliam ne sut que répondre. Ses baisers lui avaient presque fait oublier qu'elle était son otage et lui son geôlier. Quelle situation inextricable !! Il était complètement perdu...Mais il devait les sortir tous les deux de là. Il assit la jeune femme, glissa une fourrure sur ses épaules.

- Ne bouge pas de là, lui intima-t-il, tandis qu'il éteignait le feu et sellait le cheval.

Il revint vers la jeune femme, saisit son visage entre ses mains pour qu'elle le regarde bien en face.

- Je ne te laisserai pas Garance. Tout ce que je te demande, c'est de t'accrocher à moi de toutes tes forces.

La jeune femme se contenta d'un hochement de tête, elle n'était plus capable d'articuler un mot. Il la hissa sur ses épaules, elle était gelée de la tête au pied, légère comme une plume. Les deux petites mains s'accrochèrent sur le torse immense d'Eliam. Il la couvrit tant bien que mal d'une fourrure, tandis que sa tête se blottissait au creux de son cou. Malgré lui, il en frémit de plaisir. Il saisit la longe du cheval, retrouva le sentier, et reprit cette interminable descente.

Pour Eliam, le pire dans cette interminable traversée, n'était pas la faim, le froid ou la fatigue mais le fait de ne pas savoir où ils allaient, s'ils étaient toujours sur la même route, à quelle vitesse ils avançaient. Il avait promis à Garance qu'ils seraient au refuge mais il n'y avait rien de moins sûr. Ce dont il était certain c'est qu'elle ne survivrait pas à une nouvelle nuit dans le froid sans rien dans l'estomac. Eliam accéléra le pas, mais chacun de ses muscles le faisait souffrir et son ventre criait famine. Il ne savait pas combien de temps il tiendrait à ce rythme. Le brouillard ne laissait pas filtrer un seul rayon de soleil, impossible de savoir s'il était dix heures, midi ou dix-huit heures.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de Cendreजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें