Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de Cendre

Partie 36

Ce fut l'une de ces journées d'été où l'aube illuminait doucement le ciel d'un camaïeu de feu, éteignant l'encre de la nuit dans un brasier. Une aube pure, neuve annonçant un jour emplit de promesses. Galahaad regardait l'azur du ciel apaiser l'embrasement de l'aurore. Ses yeux suivant la course du soleil, qui ne tarderait pas à devenir brûlant. Il attendait ce jour depuis des semaines, alors pourquoi ce sombre pressentiment nouait-il ses tripes ? Il balaya ses pensées moroses du revers de la main et commença à s'habiller. Garance l'avait choisi, elle avait appris à l'apprécier, elle l'épouserait ce jour. Il était certain de cela. Alors pourquoi avait-il encore besoin de s'en convaincre ?

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Eliam était allongé au creux du lit, Garance, endormie aux creux de ses bras, là où était sa place. Alors il murmura:

- Il n'y aura jamais que toi, Garance, jamais que ton parfum, ta saveur, ta peau, tes yeux. Jamais que toi en mon âme.

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Le soleil était à son zénith, Eliam sentit sa chaleur lui brûler la nuque. Il ferma les yeux et releva la tête pour le laisser chauffer son visage hâlé. Il se tenait au côté de Galahaad sur le perron de pierre du sanctuaire des rois de Saillans. L'édifice était niché au sommet de la ville, taillé dans la roche. Au pied des marches, on foulait un magnifique jardin verdoyant. Etrangeté nichée au creux d'une montagne rude et inhospitalière. Pour accéder au surplomb rocheux, il fallait gravir une centaine de marches, taillées dans la pierre.

Eliam entendit une rumeur parcourir la foule massée autour d'eux. Il se força à ouvrir les yeux. Son regard se posa sur le visage radieux de son frère, il ignora les battements de son cœur qui s'accéléraient. Tous deux étaient en grande tenue d'apparat, chemise brune, tunique immaculée, frappée des armoiries émeraude de Saillans. La chevelure blonde de Galahaad semblait devenir de l'or liquide sous les rayons du soleil.

Le panseur au visage parcheminé, se tenait face à la foule devant les portes du sanctuaire. Sa barbe et sa longue chevelure grise semblait trouver une continuité dans la longue robe blanche qu'il portait. Ses yeux noirs brillaient de cet éclat qu'avaient les hommes et les femmes dotés de la connaissance des simples. Derrière lui, le Roi Acôme et la Reine Adrissa, immobiles, graves. La souveraine, magnifique dans une robe de soie émeraude, ses longs cheveux relevés dans un chignon sévère qui ne parvenait pas à durcir le doux regard qu'elle posait sur les deux princes.

Au pied des marches, massés en une foule compacte, les notables d'Estran. Eliam parcourut son peuple du regard, sans pouvoir fixer ses yeux sur un seul visage, impossible de distinguer l'un ou l'autre tant sa vision était brouillée. Il avait la sensation d'être à mille lieux de là. Soudain, la rumeur s'assourdit, pour ne devenir qu'un faible murmure. Enfin un lourd silence s'abattit sur l'assemblée au pied des marches du sanctuaire jusqu'au Château. La foule était massée tout le long du chemin de Garance d'Elenith, curieuse de rencontrer la princesse, ennemie d'antan, future Reine de Saillans.

Eliam vit le peuple d'Estran s'écarter. Le souffle lui manqua. Garance venait d'apparaître en haut des marches, deux chevaliers à sa suite. Sa silhouette se découpait devant le panorama somptueux. Eliam ferma les yeux un instant, tant il eut peur de ne pas maîtriser ses émotions, de se mettre à hurler qu'elle était sienne, que la femme qui s'avançait vers son futur mari était à lui.

Quand il accepta de faire de nouveau face, son regard remonta le long de la silhouette de Garance d'Elenith, vêtue d'une longue robe de mousseline gris perle, dont la simplicité rehaussait la beauté époustouflante de la jeune femme. Le tissu diaphane et le décolleté découvrant ses épaules ajoutaient à sa fragilité. Elle avait cousu un motif de perles serpentant de la naissance de ses seins à sa taille, marquant la finesse de celle-ci. A cet instant, un flash secoua Eliam, il vit ses mains calleuses et halés posées sur la peau albâtre des hanches de la jeune femme. Il prit une longue inspiration avant de s'autoriser à regarder de nouveau cette femme qui était son rêve et à la fois son cauchemar.