Partie 12

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Au loin, les montagnes dont les sommets étaient déjà recouverts de neige, mais sous ses yeux rougis par la poussière, Garance d'Elenith ne voyait pas plus loin que la monture de son geôlier. Ils avaient quitté le siège d'Amarylis aux premières lueurs de l'aube, chevauchant sans cesse, ne s'arrêtant qu'à la mi-journée pour reposer leurs montures et manger un peu de boeuf séché. Désormais, le soleil était bien bas dans le ciel. Les deux ennemis n'avaient échangé aucune parole. Garance, terrorisée par ce qu'il allait advenir d'elle. Eliam, gardant une mine fermée, toujours enragé de la veille. A chaque chaos de la route du Nord, Garance priait pour que ce cauchemar cesse. Elle était épuisée, peu habituée à d'aussi longues chevauchées, chacun de ses muscles la faisait souffrir. La journée, typique des étés indiens Elenith était écrasante de chaleur. Les vêtements que le Prince lui avait donné étaient trempés de sueur et lui collaient à la peau. Malgré cela, elle serrait les dents, car en aucun cas elle ne lui ferait le plaisir de se plaindre. Elle avait vu ses traits renfrognés quand il ralentissait sa monture pour lui donner la gourde d'eau. Il s'était bien gardé de lui mettre à disposition vivres et eaux, de peur qu'elle ne s'enfuie. Cependant, il ne devait pas bien se faire de souci car il n'avait même pas lié les mains de la Princesse. Pourtant, quand elle avait vu le camp et les remparts de sa cité s'éloigner, le désespoir ne l'avait fait songer qu'à s'enfuir, coûte que coûte. Mais elle savait qu'en plein jour, avec un guerrier tel qu'Eliam de Saillans, elle n'avait aucune chance, il la rattraperait et que ferait-il d'elle : les quelques regards qu'il lui avait lancés en disaient long... Non décidément, il valait mieux qu'elle endorme sa méfiance et qu'elle attende le moment propice.

Pour la première fois, Garance d'Elenith traversait le pays où elle était née. Jamais hormis lors de ses escapades nocturnes, elle n'avait quitté l'enceinte d'Amarylis. La route du Nord serpentait au milieu d'une plaine fertile que la chaleur de l'été et la guerre avaient désertifiée. Le printemps lui rendrait sa verdure, mais pour l'heure les terres étaient arides, grillées par le soleil. Les récoltes et le moindre village avaient été incendiés, ne restaient que ruines et désolation. Les habitants avaient déserté leur maison pour la protection d'Amarylis ou le couvert des bois. La politique de la "terre brûlée" des paysans avaient porté ses fruits, rien ne subsistait, ne laissant aucune vivre aux envahisseurs. Même les animaux semblaient se terrer. Cette vision apocalyptique rappelait douloureusement à la jeune femme que son geôlier venait d'un peuple capable de tout ravager. Il lui fallait trouver un moyen de s'échapper. Désormais seule avec lui, elle devait trouver une ouverture, saisir sa chance avant qu'il ne l'ait emmenée trop loin vers Saillans et qu'elle ne puisse plus revenir, avant qu'il se soit lassé de jouer le garde-chiourme et qu'il ne se débarrasse d'elle. Même si Amarilys représentait bien des dangers, elle était chez elle et elle avait les armes pour se battre et résister à Cyrius. Contre le guerrier sanguinaire qu'était Eliam de Saillans qu'avait-elle ? Sa frêle silhouette, ses menus poings, sa vivacité d'esprit.

Alors que le soleil s'approchait de l'horizon, chauffant un peu plus la peau brûlante des deux voyageurs, ils tombèrent sur un village désert dont le moulin était intact. Eliam trouva l'endroit idéal pour passer la nuit : ils étaient près d'un torrent et pourraient s'abriter à l'étage de l'édifice. Ils mirent enfin pieds à terre au grand soulagement de Garance. Car outre la fatigue, chaque pas de plus, l'éloignait du retour. Elle ne put s'empêcher de remarquer que le guerrier sauta de cheval lestement mais en grimaçant de douleur. Sa blessure le faisait souffrir, elle devait impérativement profiter de cette faiblesse. Quand il s'approcha de la jeune femme pour l'aider à descendre de cheval, elle vit que ses traits, recouverts de poussière attestaient d'une certaine fatigue. Avant qu'il ne tende les bras pour saisir sa taille et la descendre à terre, elle sauta sur le sol dans un mouvement fluide et léger. Décidément ces vêtements masculins étaient faits pour elle, rendant tous ses gestes plus simples, plus habiles. Les deux pieds sur la terre ferme, elle releva la tête et fusilla Eliam de Saillans du regard pour bien lui stipuler qu'elle n'avait aucunement besoin de ses services.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now