Partie 13

1.1K 101 11
                                    

Garance s'éveilla épuisée, percluse de courbatures et découragée. Elle en voulut au soleil de s'être levé pour lui infliger une nouvelle journée d'angoisse et d'humiliation. Elle entendit son geôlier grimper à l'échelle. Elle le sentit se figer au-dessus d'elle et s'efforça de garder les yeux fermés pour retarder la confrontation. Elle ignorait ce qui l'avait le plus surprise lors de cette nuit sans fin : la réaction presque mesurée de son geôlier, allant à l'encontre de tout ce qu'elle imaginait de lui ou bien la réaction de son propre corps gardant une empreinte troublée des événements nocturnes. Quoi qu'il en soit elle était toujours prisonnière, en route vers un avenir plus qu'incertain.

- Princesse, réveillez-vous, dit Eliam de Saillans d'une voix bourrue, avant de retourner rassembler leurs maigres effets.

La jeune femme se redressa pour s'asseoir sur le sol. Il lui tendit une gourde d'eau et un morceau de pain, mais elle les refusa. Son estomac noué se révulsa rien qu'à la vue des aliments.

Quelques minutes plus tard, ils étaient dehors, leur unique monture chargée des sacoches qu'Eliam avait tenté d'alléger. Alors qu'ils étaient au pied de l'étalon noir, Garance leva les yeux vers son geôlier, dont elle avait jusque là soigneusement évité le regard. Celui-ci affichait son éternel sourire narquois. Malgré l'énergie qui manquait à la jeune femme, elle lui aurait volontiers fait ravaler sa morgue. Puis elle se demanda ce qui pouvait bien le faire sourire, la route serait d'autant plus longue à deux sur une même monture. Il lui tendit la main, pour l'aider à grimper, la faiblesse de ses muscles ne lui permit pas de refuser. Il la hissa sur la selle comme si elle ne pesait pas plus lourd qu'une plume, puis il saisit les rênes et sauta sur la croupe du cheval, son mouvement fut rapide et leste. Elle se demandait où il trouvait l'énergie de se mouvoir avec une telle agilité, alors qu'il était blessé et que le manque de sommeil ne cessait de s'accumuler. Mais tandis qu'elle s'étonnait de sa surprenante vivacité, il saisit vigoureusement sa taille, et plaqua tout son corps contre celui de Garance.

La jeune femme faillit étouffer un juron, elle comprenait mieux son sourire suffisant. Elle tenta de se dégager en se tortillant maladroitement mais Eliam affirma sa prise. Sa large main posée, effrontément sur son ventre. De ses cuisses jusqu'à sa nuque, elle n'avait plus un centimètre de liberté. Elle sentit son souffle contre son cou, puis il murmura dans un sourire qu'elle devinait :

- Alors petite Princesse, on regrette d'avoir laisser partir sa jument.

La jeune femme s'abstint de répondre. Leur monture se mit en marche et ce fut pire. A chaque pas, les muscles d'acier du guerrier se mouvaient contre la peau sensible de son dos. Mais bientôt, le soleil se fit si brûlant que le contact avec son geôlier, ne fut que le dernier souci de la jeune femme. Il l'avait, à son grand étonnement, affublée d'une sorte de cheich qui lui recouvrait les cheveux et le visage, ne laissant que ses yeux découverts. Cela lui éviterait certainement de brûler, mais ça ne l'empêchait pas de suffoquer. Au point qu'elle bénissait la rude main qui la maintenait en selle.

Cette journée étonnamment chaude annonçait un automne puis un hiver imminent. Sous la chaleur écrasante, ses muscles ne parvenaient plus à maintenir la rigidité qu'elle leur avait imposé au contact du cavalier. Peu à peu son dos se laissa aller contre le torse d'acier d'Eliam de Saillans. Même si elle en était mortifiée, c'était si bon de s'abandonner, de cesser de lutter ne serait-ce que quelques minutes. Car elle allait se reprendre, mais dans un moment, dans un tout petit moment.

La fatigue entraînait indubitablement ses pensées vers une pente glissante. La peur, la tension, l'incertitude avait noué une boule d'angoisse au creux de son ventre. La violence de la nuit dernière avait été comme un déclic. En la poussant dans ses retranchements, Eliam l'avait forcée à envisager son avenir perdu. Aujourd'hui, elle ressentait presque du soulagement. Pourquoi avait-elle à chaque instant de son existence voulut s'opposer aux forces du destin ? Alors qu'il était si simple de se laisser emporter, d'annihiler toute volonté. La seule objection qu'avait la jeune femme du fond de son épuisement était l'attitude étrange d'Eliam de Saillans. Pourquoi était-il allé à l'encontre de ce qu'il était censé être ? Pourquoi rendait-il tout plus compliqué alors que ce cauchemar aurait pu cesser la veille au soir ?

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreWhere stories live. Discover now