Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de Cendre

Partie 33

La nuit avait depuis bien longtemps empli le ciel de Saillans. Les cris d'Acôme et d'Eliam résonnaient dans les couloirs du château. Enfermés dans le bureau du Roi à la demande de Galahaad, le Prince Aîné commençait à désespérer de leur faire entendre raison.

- Il faut que ça cesse ! hurla-t-il pour se faire entendre des deux têtes de mules qui s'écharpaient.

Peu habitués à le voir sortir de ses gonds, Acôme et Eliam de Saillans se turent un instant.

- Maintenant, asseyez-vous, dit-il d'un ton glacial en désignant deux sièges.

Bien évidemment, les deux hommes campèrent sur leurs positions. La fureur emplit définitivement Galahaad. Il envoya ses deux poings frapper la table en chêne qui en trembla.

- Nom de Dieu, allez-vous cesser vos enfantillages, aucun de vous deux n'est responsable pour ma jambe. Vous m'entendez aucun de vous n'est responsable. Ni toi Père, tu es l'instigateur de cette guerre, mais ce n'est pas toi qui voulait absolument rentrer à Saillans, alors que j'aurais du me soigner en Elenith. Ni toi, Eliam. Crois-tu vraiment qu'il ne se serait rien passé si tu avais été là ? Crois-tu qu'il aurait fallu que tu te fasses assassiner par un pallassine pour t'absoudre ?

Les deux hommes étaient figés, la culpabilité qui noyait leurs regards respectifs émut Galahaad.

- Maintenant, asseyez-vous, dit-il d'une voix adoucie.

Acôme et Eliam de Saillans obéirent et prirent place. Galahaad s'assit à son tour face à eux. Il réprima une grimace tant sa jambe le faisait souffrir.

- Vous n'avez pas à chercher d'absolution, car c'est le destin qui a choisi de me blesser et cela ne m'empêchera pas de régner le jour venu... Cependant, Saillans est à l'agonie et si vous ne parvenez pas à vous entendre, c'est à cause de vous deux que le pays va s'effondrer.

Galahaad laissa ses derniers mots faire leur effet avant de reprendre d'une voix forte :

- Le peuple a faim et peur, nous sommes plus menacés que jamais par la fureur de l'Empereur alors que nous n'avons jamais été aussi faibles. En attendant de reprendre des forces, nous devons nous montrer plus forts que jamais. Or, je suis blessé et je recommence seulement à pouvoir monter sur un cheval. Père, vous restez cloîtré dans cette pièce, le peuple ne sait même plus qui règne et toi Eliam, tu tues trois Pallassines, manques de décapiter l'ambassadeur de l'empereur et tu disparais pendant des semaines.

- Je sais que j'ai agi sans diplomatie, mais quand j'ai vu ce traître... Gal, je suis devenu fou.

- Je sais et je ne te le reproche pas, mais nous devons nous servir de ce coup d'éclat et ne pas en avoir honte. L'empereur a reçu de notre part un message on ne peut plus clair, le peuple a eu sa vengeance pour tous les morts dus à cette trahison. Tu as renforcé ta légende et nous devons nous en servir. Tu honnis ton statut de Prince, bien, mais tu es un guerrier redouté et tu es le capitaine de légende du Mandragore et cela me suffit, je ne te demande pas d'avoir des manières, fais ce que tu sais le mieux faire, sois mon frère.

Eliam se contenta de hocher la tête, il n'avait pas face à lui le Prince Aîné de Saillans, mais son Roi et il ressentit une immense fierté que cet homme soit son frère. Galahaad figea alors son regard dans celui du Roi.

- Père, tout ce que j'ai appris, je le tiens de vous, alors pourquoi semblez-vous avoir oublié tout ce que vous m'avez enseigné ? Vous êtes le Roi bien-aimé de vos sujets. Vous êtes leur guide, leur père. Ils ont besoin de vous voir fort, ils ont besoin de savoir que vous croyez en Saillans. Alors faites-moi confiance et surtout faites-vous confiance. Cette guerre n'était pas un échec, elle nous a ouvert des possibilités que nous n'avons jamais eues. Je connais désormais suffisamment Garance d'Elenith pour savoir que j'ai fait le bon choix. Nous avons l'opportunité de faire de l'île d'Eredjan un seul et unique royaume, de vivre en paix et de faire cesser toutes velléités de l'Empereur sur nos terres.