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- Test numéro 56, entendis-je de loin.

Mais je ne préoccupe pas de ce qu'il dit. Je suis comme une morte assise dans un long fauteuil hospitalier où mes mains, mes chevilles, mon front et mes abdominaux sont retenus par d'épaisses sangles en fer. Si ça aurait été plusieurs mois auparavant, je crois que j'aurai gémi de douleurs, pleurée à en perdre connaissance. Mais aujourd'hui, mise à part une migraine affreuse, je ne ressens qu'un soupçon d'espérance, même si je sais que cela ne sert strictement à rien ; je perds de plus en plus l'espoir qu'on me sorte d'ici. Après tout, on m'a bien abandonné une fois, pourquoi serait-ce différent avec d'autres ? Ils m'ont promis... Ils m'ont dit qu'ils m'aimaient... Mais n'était-ce pas un piège pour me rendre émotive ? Parce que s'il y a un point que j'ai retenu, et je crois - je pourrais m'en faire vomir de penser ça - que Dolores Ombrage avait finalement raison, c'est que les sentiments, le genre de choses qu'on peut ressentir... Ça ne fait que deux choses : soit nous rendre pleinement heureux, soit nous faire demeurer à jamais dans la souffrance et la culpabilité. De mon côté, c'est la seconde possibilité. Car j'ai vite compris... j'ai vite appris... qu'en réalité, les émotions, bien qu'elles nous fassent encore sentir Humain, qu'elles nous raccrochent à notre Âme et souvent à notre Ego, ne sont qu'une démonstration de ce qui est inutile si on est dans une condition comme la mienne, séquestrée dans les souterrains d'un ministère de la Magie voulant me transformer en machine à tuer. Je ne sais même pas combien de temps j'ai pu attendre, à espérer qu'on vienne me sauver... mais au final, personne ne vient jamais nous sauver. On doit se débrouiller seul.
C'est à ce moment-là que je doute fortement, plus qu'auparavant, que la vision de David dans cette pièce enflammée était la Réalité. Qu'est-ce que la Réalité, d'ailleurs ? Est-ce dans les rêves ou dans le monde physique, où asservissement et douleur, incompréhension et dépression, sont les principales sensations ? J'avais fait une promesse moi aussi, ou peut-être qu'une simple parole en l'air, je ne sais plus... que je resterais fidèle à moi-même, que je ne les laisserai pas me faire devenir un pantin écervelé pour anéantir et asservir un peuple Magique et Moldu... Et je ne l'ai pas tenu. Du moins, j'ai essayé. Tellement essayé d'être forte et courageuse. Mais je n'en ai plus la force. Je n'en ai plus l'envie. Après tout, à en entendre Éléona, ma mère adoptive qui m'a toujours aimé... Tout arrive pour une bonne raison. Et si je dois devenir une arme, autant en finir maintenant, bien que je m'en refuse encore. J'ai même perdu l'espoir de revoir un jour George. Ha ! On s'était jurés de rester forts, que tout irait bien tant qu'on était tous les deux, tant qu'on était ensembles. Mais ce n'était que vaines paroles. Aujourd'hui, ce n'est même qu'une partie d'illusion.
Je sens l'aiguille me traverser le bras, mais comme la douleur qui m'y parvient, je n'en fais rien. Je ne ressens que l'amertume et la haine, l'envie destructrice de tous les tuer pour ce qu'ils réussissent jour pour jour à faire de moi.

- Guerre - quatre. Asservissement, joie - trois. Ordres...

J'ai l'impression que mon sang bouille en moi, que mon cerveau est en train d'exploser, mais j'encaisse en serrant les dents, résistant mentalement.

- ... calamité - deux. Souris, vipère - un.

Plusieurs voix résonnent dans ma tête. Plusieurs sortes de murmures qui me répètent sans s'arrêter les mots que Rodriguez vient d'épeler. J'hurle mentalement pour les faire taire, les yeux crispés, les mains et les pieds engourdis... Je résiste. Je ne cesse de me concentrer sur une seule chose : je suis une guerrière, je ne me laisserai pas faire. Je crie par-dessus les voix, je les ratatine comme si qu'elles ne sont, comme moi, que de fragments éphémères.
Ma concentration me donne du fil à retordre à cause de l'Endoloris qu'on me lance sans arrêter de me répéter les onze mots à l'oral.

- Guerre - quatre. Asservissement, joie - trois. Ordres, calamité - deux. Souris, vipère - un.

Ma tête semble vouloir exploser, mes os se disloquer, mes veines s'entailler... Je ne peux plus durer. J'hurle comme une aliénée, alors que mes yeux ont l'air de faire trois sauts arrières dans leurs orbites, bien que mes paupières restent closent.
J'entends plusieurs cris de surprise, et un de douleur, me laissant penser que mes mains sont devenus un feu tout puissant, brûlant un médicomage sans que je m'en rende compte. Un nouvel Endoloris me fait tressaillir pour me déconcentrer et ces mêmes lames chauffées à blanc rentrent à l'intérieur de mes tempes, m'anéantissant en douleurs, refroidissant en congélation tout ce qui se trouve autour de moi. Mais cela s'arrête aussi vite que mon hurlement.
Je tremble... tout mon corps donne l'impression d'être une torture à lui seul, me lançant comme de l'électricité qui ne parvient jamais à mon cœur, mais qui me fait toujours souffrir abondamment, de la même façon que si j'étais sur des épines en asphalte brûlant sous le soleil de midi, dans le désert de Sonora.
Je tente de me rafraichir, de calmer ma tension avec mon don, mais n'y arrive pas ; mes mains givrés et moites sont aussi en sueur que mon dos, tel une chaufferie à sa pleine puissance en été.

Elementum {Tome 5}Where stories live. Discover now