Elementum {Tome 5}

XI

Point de vue Omniscient au passé

  Tenant un verre en cristal d'un fin hydromel à la main, les jambes croisées, assit dans son fauteuil en cuir noir, sa canne à pommeau contre l'accoudoir, ses yeux gris d'acier fixaient un point invisible qui ne dépassait jamais les flammes de la cheminée. Il les regardait danser malgré la chaleur étouffante qui régnait dehors, il les sentait embaumer l'air glacé du manoir et plus particulièrement son bureau qu'il avait du mal à quitter depuis ces derniers mois. Dans son regard brillait la lueur orageuse d'une culpabilité assouvit par de sombres dessins.
  Lucius Malefoy restait là, immobile, aux mouvements imperceptibles. Ses pensées, encombrées par l'unique songe : sa fille Mélody. Il ignorait où elle était si ce ne serait-ce que Éléona et son arrogant de mari guerrier Daniel avaient réussi à la sortir des souterrains du ministère de la Magie, dont il louait à présent une plus profonde haine que jamais, qu'il cachait pas un semblant de sourire aussi glacial que son cœur au moment précis où il avait compris que ses efforts avaient été vains. Il avait tout fait... tout fait pour les détester toutes les deux... tout fait pour s'empêcher de ressentir une compassion ou un moindre regret pour leurs différences...
  Mais il avait échoué. Échoué lamentablement, comme l'aurait dit son défunt père dont le portrait restait toujours vide. Et il était là, à se morfondre de songes inassouvis, dans l'espoir de se rallumer lui-même l'idée que, lui qui n'échouait jamais, aurait pu réussir pour cela, cette fois-ci.
  Autrefois, il y a longtemps, il avait essayé d'aider sa sœur Éléona à s'en sortir, lorsque les anciens Ministres, tous consécutifs, voulaient faire d'elle une arme faisant plier à l'ordre corrompu pour gagner la guerre contre le Seigneur des Ténèbres. Ne lui demandiez pas pourquoi, combien tout ce qu'il vous aurait dit, il se sentait profondément coupable pour ce qu'il était arrivé à sa cadette. Et pourtant, il avait tant essayé de la détester pour ce qu'elle était ! Or, quand il sut qu'elle risquait de perdre son Âme, dont la pureté était incomparable à la sienne, il n'hésita pas à manigancer des plans plus compliqués les uns que les autres pour la faire sortir de cette impasse... En vain. Et la même chose s'était reproduite pour Mélody. Malgré tout son acharnement à la tenir éloignée de son activité de Mangemort, du Cercle et pire encore, du ministère de la Magie, rien n'avait suffit. Et ce n'était pas étonnant quand on savait pour les secrets qui se cachaient dans l'obscurité de la conscience de tous. Il avait fait la promesse de ne lui rien dire, et voilà où ça avait menée Mélody : à se faire Conditionner au prix de son Âme. Oui... aujourd'hui, il s'en voulait à un point que personne ne pourrait imaginer.
  Il l'avait toujours détesté, non pas par envie, mais par choix d'un pacte fait il y a bien longtemps de cela. Il l'avait délaissé et emmené au danger en la présentant à leurs lointains cousins d'alliance, les Astor liés aux Windsor, des familles Moldues. Il savait quelles horreurs ils pouvaient bien faire et comparé au sang sur leurs mains, le sien ressemblait à un grain de sable. 
  Et il y avait cette nuit-là... au cimetière du Little Hangleton... Le Seigneur des Ténèbres l'avait fait plié, son ordre eut à peine secouer l'air qu'il regretta : il dut combattre sa fille. Le but initial étant de récupérer ses pouvoirs pour faire monter Lord de l'Ombre en puissance, comme l'avait précisé Kristine. Honnêtement, Lucius ne la portait pas le moindre du monde dans son cœur de pierre, mais il n'avait d'autre choix au risque que sa femme et son fils en paient un jour le prix. Il s'était engagé. Alors il n'eut pas à hésiter, il s'avança devant Mélody, essayant de la faire plier. Et heureusement, c'est avec soulagement ressenti qu'elle l'avait incroyablement repoussé, elle qui, comme Éléona, était beaucoup plus puissante que lui. Juste avant d'être secouée de douleurs par l'Endoloris du Seigneur des Ténèbres. Qu'il aurait voulu le prendre à sa place ! Mais il n'en avait pas eu le courage... Il en manquait cruellement et préférait l'Ombre, c'était amplement plus simple ainsi.
  Mais il en venait constamment à le regretter, rongé par des Âmes en perditions dont il avait achevée la vie sous la tentation d'une obscure passion dont il se délectait chaque instant. Combien sa petite sœur Éléona refusait de voir l'évidence, refusait d'accepter le fait qu'il n'y ait que sa part d'ombre, Lucius Malefoy demeurait suprématiste, caractériel et acariâtre. Et le pire, c'est qu'il ne voudrait changer cela pour rien au monde.
  D'un soupir lasse mais toujours si persuadé, Lucius finit son verre d'une traite avant de s'en servir un autre avec la magie, restant enfoncé dans son fauteuil.
  Bien évidemment, il n'avait fait aucune mention de l'incident du cimetière à Narcissa et leur fils Drago. Celui-ci aurait été si révolté qu'il pourrait faire en ce jour un acte idiot, comme courir dans les rues et essayer de rejoindre sa sœur - et ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres. Il le savait car, comme Éléona et lui, Drago restait indéniablement lié à Mélody d'une manière qu'il ne parvenait jamais à comprendre : quand l'un avait mal, physiquement ou mentalement, l'autre le ressentait. Quand l'un avait peur ou était en colère, l'autre le savait. C'était ce qui s'était passé, pendant ces deux longs mois où Mélody était prisonnière au ministère. Drago avait geint, parfois même s'était écroulé ou tordu de douleurs, pour la plus grande angoisse de Narcissa dont les larmes d'inquiètude versées avait brisé Lucius autant que la vision de son fils se tordant de souffrances lui avait été horrible. Il ne l'avouerait jamais à voix haute, naturellement, car il avait trop de fierté. Mais il avait tout fait pour que Fudge arrête de torturer sa fille. En vain, car pour la première fois, il avait refusé tout argent, tout paiement. Quel abruti qu'il était, il disgraciait dans son estime !
  Mais l'idéal des velléités dans lesquelles il était plongé, c'est qu'il pouvait aussi songer au désir du Seigneur des Ténèbres ; pour gagner l'Immortalité promise par Kristine Astor, il n'abandonnerait pas son affaire. Pas avant d'avoir appâté Mélody dans ses filets, pas avant d'avoir récupéré ses pouvoirs grâce au rituel que Kristine ferait pour lui. Pas avant d'avoir tué Potter et tous ceux qui se mettraient en travers de sa route pour l'empêcher d'assouvir ses noirs projets. Et surtout, pas avant d'avoir récupéré les prophéties cachées au confint du Département des Mystères, gardées par les membres de l'Ordre du Phénix, un groupe de résistants dont faisait malheureusement parti Éléona et son mari Daniel. Lucius avait d'ailleurs appris que celui-ci était tombé dans un coma grâce à Kristine et était destiné à mourir. Ça ne lui faisait ni chaud ni froid à lui, mais ce ne devait pas être le cas de sa sœur qu'il savait folle amoureuse de cet insupportable Dragonnier. Quelque chose poussait Lucius à croire qu'il y avait autre chose, que les deux avaient un lien qui les enchaînait ensemble. Il y avait d'ailleurs une prophétie à leur sujet que seule Mélody pouvait ouvrir - tout comme lui pouvait ouvrir celle de sa fille, mais ça, le Seigneur des Ténèbres l'ignorait et c'était mieux ainsi. La Magie du Sang, comme on l'appelait dans la famille Malefoy. C'était autant une malédiction qu'une bénédiction, qu'une Enchanteresse avait jeté sur eux il y a bien longtemps, d'après une légende que son père avait écrit dans un journal introuvable. Introuvable, mais pas pour Éléona. C'était sa petite préférée et il était certain qu'elle savait ce qui se cachait derrière tous ces lourds secrets qui croulaient sur les épaules de la lignée Malefoyenne.
  On toqua soudain à la porte de son bureau.