XV

716 36 23
                                    

- Tati... Pouquoi a peu ?

  Comme un millier de fois où je revois ce moment, Éléona s'essuie les joues en inspirant profondément avant de se retourner vers la fillette de un an qui sait déjà parler, marcher et se tenir fièrement debout. Elle fixe sa tante avec d'immenses yeux inquiets, faisant une petite moue et entortillant ses doigts fragiles à sa robe de nuit rose, se tenant dans l'encadrement de la porte. Dehors, le temps est menaçant. Il gronde violemment, la pluie s'entrechoque contre les carreaux et les éclairs viennent aider les bougies à éclairer la pièce.

- Oh, Mélody ! dit Tantine en se ressaississant. Je... Ce... Que... Qu'est-ce que tu fais encore debout, ma Chérie ?

- Ai peur d'orage...

  Éléona sourit doucement et la fillette s'approche doucement d'elle en sussant son pouce, puis sa tante l'attrape doucement sous les aisselles pour la prendre aisément dans ses bras, s'allongeant sur le sofa avec elle.

- Ça va aller... Tu sais, ce n'est que le mauvais temps. Après ça, tu verras que le soleil reviendra et on pourra même aller dire bonjour aux Messieurs les oiseaux.

  Mais la fillette sait. Elle sait qu'elle ne va pas bien.

- Pourquoi a peu-er, Tati ? Es triste ?

  Éléona soupire gentiment en lui caressant les cheveux.

- Tu sais, Mélody, parfois, quand quelqu'un décide à ta place, il y a toujours des problèmes que tu récoltes. C'est comme... l'orage. Les éclairs touchent la Terre et quelques fois, ils touchent les arbres qui sont trop hauts. C'est exactement la même chose avec les gens qui choisissent pour toi.

- Pou moi ?

- Oui... 

  Elle la redresse en ayant les larmes aux yeux, mais un sourire s'étire sur ses lèvres en croisant le regard de sa nièce.

- Ne laisse jamais personne décider à ta place, ma Chérie. Quoiqu'il arrive et qu'il puisse arriver, quoique l'on te dise et que l'on pourrait te dire, il n'y a que toi qui peux choisir qui tu veux être.

  La fillette fronce ses sourcils aussi clairs que sa peau Albinos et regarde ses mains en serrant et desserrant les doigts. Puis elle relève ses yeux dans ceux de sa tante avec un tout nouveau regard, une toute nouvelle lueur de détermination.

- Veux êtes une guellière.

  Éléona se met aussitôt à sourire. Les yeux larmoyants, elle recoiffe la fillette et passe ses mains dans son dos pour la serrer contre elle.

- Tu le seras, affirme-t-elle. La plus grande guerrière qui ait jamais existé. Et tu leur montreras qui tu es.

- Une guellière, pouffe la petite fillette dans son cou.

  Je me réveille dans un très léger sursaut de frissons qui me fait inspirer brièvement et remarque que je suis toujours dans le Poudlard Express, mais cette fois-ci dans les bras de George qui a la tête contre la vitre, les yeux clos. Je suis étonnée de voir qu'une cape me recouvre mais ne peux m'empêcher de pouffer en remarquant que tout le monde est endormi - chose très rare avec les jumeaux. Fred et Amy sont affalés l'un sur l'autre, à ronfler bruyamment. Angelina est dans les bras de Lee et tous deux dorment profondément. 
  Ayant besoin de prendre l'air après ce rêve, je me dégage délicatement des bras de George, sans le réveiller, et lui mets la cape que j'avais sur moi avant de passer au-dessus des jambes à Fred qui sont étendues vers le sol, puis sors du compartiment en silence. D'un élan de pensée, je me change en uniforme en ressentant la même brume qu'à chaque fois et marche sans véritable destination dans le couloir du Poudlard Express. À chaque fois que je passe devant des élèves qui y sont, les chuchotements résonnent, tel un bourdonnement sourd à mes oreilles. Mais je suis vite lassée de toutes ces abrutissements ; qu'ils croient ce qu'ils veulent, je sais qui je suis. Cette pensée me rappelle mon rêve d'il y a quelques minutes. Je le fais souvent, et à chaque fois, ça se répète de la même façon. Ce jour-là, je n'avais pas compris ce que voulait vraiment dire Tantine mais, après mûre réflexion, elle me parlait de ses parents qui l'avaient carrément dénoncé au ministère dès sa naissance, afin que le Nouvel Ordre Magique fasse son ascension. Heureusement, par Merlin, cela n'a jamais vraiment abouti à quelque chose. Mais quand on y réfléchi, elle me prévenait déjà du danger que je courais. Enfin, je suppose que c'était ça. Avec elle, on n'est jamais sûrs de rien.
  Je reviens à la réalité quand mon épaule bute contre quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Car je viens de percuter malencontreusement une jeune fille plus grande que moi, aux cheveux blonds, sales et emmêlés qui lui tombent jusqu'à la taille, aux sourcils très clairs et aux yeux protubérants qui lui donnent sans cesse l'air surpris. Elle a également un collier constitué de bouchons de Bièraubeurre et des boucles d'oreille en forme de radis.

Elementum {Tome 5}Donde viven las historias. Descúbrelo ahora