XXXIV

773 25 0
                                    

  En voulant rentrer, je ne pensais pas que Remus aurait eu l'idée du 12, Squard Grimmaurd. Les larmes me montent seules aux yeux alors que je dois prendre une profonde inspiration en descendant des bras de George qui me relâche délicatement, comme s'il craint une mauvaise réaction de ma part.

- C'était le seul endroit auquel tu as pensé ? dis-je sèchement à Remus.

  Tout semble tellement silencieux que la maison en parait morte. Le silence, l'immobilité, rompus seulement par le craquement du bois noir, me semblent plus qu'insupportables. J'aurai volontiers préféré rester au ministère plutôt que d'affronter la sombre et brisante vérité qui fait que jamais plus je ne me sentirais heureuse. La respiration précipitée, j'essaye de ne pas y penser. Mais lorsque des pleurs étouffés d'enfant résonne dans le salon au rez-de-chaussé, je suis bien obligée de me rendre à l'évidence... que je n'ai pas le droit à pleurer sur mon sort... qu'il y a une autre personne à laquelle je dois penser avant de m'apitoyer comme une idiote sur quelque chose que je savais prévisible...
  Sans regarder les alentours, ni même les autres, je me guide dans ce couloir obscur jusque dans le salon et m'immobilise presque aussitôt.
  David est recroquevillé sur lui-même, la tête dans ses bras, au pied du canapé. Ses cheveux sont ébouriffés, il est encore en pyjama.

- David... murmurai-je.

  Mon cœur se brise à la seule vue de ce regard anéanti qu'il relève vers moi. Je sais dès lors qu'il n'y a pas moyen d'y échapper...
  Sirius et Éléona sont morts à cause de moi. C'est entièrement de ma faute. Si je n'aurais pas été assez sotte pour suivre bêtement l'idée de Harry d'aller nous jeter dans la gueule du loup, si je n'avais pas prévenu Severus, si je n'avais pas fait appel à l'Ordre du Phénix pour venir nous aider...
  C'est tellement insoutenable, tellement... tellement injuste et... et bien d'autres choses que je ne parviens que trop à ressentir dans l'immédiat... que je ne veux plus y penser, que j'ai l'impression de ne pas le supporter comme je le devrais. Le vide terrifiant qui s'est niché dans mon cœur depuis l'enfance ne fait que s'accoître de jour en jour, tel un Soleil éteint à jamais qui rempli mon Âme de désespoir et de chagrin. Et ce trou noir, aujourd'hui plus présent qu'avant, confirme la malédiction qui perdure sur moi et sur tous ceux qui s'approchent de l'Être maudit que je suis. Car un jour ou l'autre, chacun en paie le prix par le sang. C'est certain. C'est inévitable.

- Mélody ? murmure David.

  Il fonce dans mes bras en continuant de pleurer. C'en est trop pour moi ; mon estomac se tord en deux par le sanglot qui m'éprend et la tristesse ressurgit en larmes brûlantes. Les épaules de David tressautent, mon cœur se serre si fort qu'il semble se broyer comme du verre.
  Je me laisse glisser le long du mur, mon frère adoptif gardé dans mes bras. Je ne sais pas comment il a su, je ne sais pas comment il a appris pour... pour elle... pour eux... mais la seule chose que je peux murmurer sont ces mots douloureux :

- Je suis désolée...

  Mes sanglots accompagnés des siens sont un arrière-son tragique dans ce salon angoissant. Ce désespoir qui nous accompagne, et ce sentiment d'anéantissement qui nous guette, approfondissent le ressenti face aux pertes que le Mal provoque.
  La main de Remus se pose sur mon épaule, et la tendre étreinte de George qui nous serre David et moi contre lui pour nous apaiser donne le résultat inverse par toutes ces larmes qui redoublent leur chute. Fred se mêle à l'étreinte en disant à mi-voix :

- Ça va aller, Blondinette, on est là... on est là...

  Ces mots sont peut-être ce qui me provoquent le déclic de contracter ma mâchoire pour empêcher cette colère d'agir à ma place, en les envoyant tous balader. Car c'est avec ce genre de réflexions que j'ai perdu la plupart de ceux à qui je tenais le plus.
  Après un long moment de pleurs et de sanglots, je me force à faire taire ma tristesse. Je dois être forte pour lui, pour David, et si ça doit vouloir dire de ne me préoccuper que de lui, que de ce qu'il ressent, je suis prête à courir le risque de n'être plus que l'ombre de moi-même. Et j'ignore si c'est par le chagrin ou la fatigue de ses larmes, mais David s'endort contre moi. Comme la première fois que l'on s'est rencontrés.
  L'étreinte de Remus et de George se détachent de moi lorsque je me relève en portant David dans mes bras.

Elementum {Tome 5}Where stories live. Discover now