2 décembre 2018

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Chère Amel,

Tu crois que j'ai, moi aussi, le droit au bonheur ? D'être heureuse et de ne pas faire semblant devant qui que ce soit ? J'aimerais tellement, tu sais. Mais je sais que je n'en ai pas le droit. Ça ne m'est pas permis. Ce droit ne stipule pas dans le contrat de ma vie. C'est absurde, je sais, mais c'est comme ça, je n'y peux rien et je dois m'y faire. Cela dure depuis déjà plusieurs années, alors pourquoi arrêter maintenant ? L'idée d'être heureuse m'enchante, mais ce bonheur est hors de portée. Je pense que j'ai compris pourquoi les gens meurent autour de moi, chaque année, parmi mes proches. Il s'agit de ce bonheur. J'ai déjà enfreint cette loi plusieurs fois, chaque année j'essaie, et voilà ce qui se passe ensuite. Une personne décède et part pour toujours de ma vie. Il s'agit de ma punition. C'est pour ça que je les ai tués, et toi aussi. J'aime une partie de cette vie, je te l'assure. Mais je n'ai pas le droit de dire à haute voix que je suis heureuse, ou même de le penser dans ma petite tête. Si je le fais, la malédiction s'abat de nouveau sur moi. Je tue les personnes qui entre dans ma vie, je devrais me refermer et négliger tout le monde pour ne prendre aucun risque. Mais mon cœur est plus fort que moi-même, et il décide tout seul si j'ai été heureuse ou pas chaque journée qui vient de se dérouler. Et je vais le laisser parler à ma place, encore une fois.

Car je suis de plus en plus heureuse, mais réellement je ne sais pas. Je suis tellement habituée à faire semblant, que je ne sais pas moi-même quand je ne le suis plus. Ça craint vraiment, à croire que je suis malade. Ne plus se rendre compte soi-même de ses propres émotions, comment les autres pourraient s'en rendre compte à ma place alors ? Je le reproche souvent à certains de ne rien remarquer chez moi quand je ne vais pas bien, et quand je m'imagine que je vais bien ils pensent le contraire. C'est un peu absurde venant de ma part puisque moi-même je ne le remarque pas chez moi. Mais je n'en veux pas.

Je ne veux pas d'un bonheur éphémère, parce qu'il est toujours éphémère. Tous ces gens qu'on croise dans les rues sont heureux et rigolent ensemble, mais ça ne dure jamais bien longtemps. C'est comme Noël ou le 1er de l'an. Ou encore Halloween ! Tout ce bonheur ne dure qu'une journée, une soirée, ou une nuit. Et avec des personnes qu'on ne reverra même plus le lendemain ou avec qui on ne parlera plus l'année suivante. Alors si c'est ça le bonheur au quotidien, c'est-à-dire être heureux pendant une journée pour que le lendemain ne soit pas sur d'être identiquement pareil, rempli de ce même bonheur, je préfère ne jamais l'être. Ça ne fait rien si je ne touche pas au bonheur, être heureux ne m'apportera que des souffrances supplémentaires dans ma vie. Et j'en ai déjà assez pour en rajouter encore et encore inutilement. Je ne dis pas que ça ne m'intéresse pas, mais je sais déjà que mes amis actuels ne seront pas ceux de demain. Et ainsi de suite.

Je ne veux pas retirer le bonheur des autres parce que moi je n'en veux pas, mais les gens doivent se rendre compte que le bonheur est éphémère. Et qu'il détruit plus qu'il ne donne la joie autour de lui.

Je ne serais jamais heureuse, je ne veux plus l'être.

Manipulatrice - Amel [TERMINÉE]Where stories live. Discover now