Chapitre 2 : La princesse des Ospales

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ROYAUME D'INDEYA, PALAIS DES LUMIÈRES


Le roi Christian de Rochevelle faisait les cent pas dans la salle du trône, ses souliers en cuir venant frapper le sol de marbre avec violence à chaque foulée. Son premier ministre l'observait en silence d'un oeil soucieux mais compatissant.

— Ne vous en faites pas, je vous en prie, Votre Majesté, dit le premier ministre de sa voix douce.

Il s'approcha prudemment du roi comme l'on approcherait un fauve prêt à bondir au moindre bruit.

— Cela fait déjà plus d'une heure, rétorqua le roi d'un ton sec.

— Le soleil n'est pas encore levé. Vous savez la brume et la brise marine qui rendent toute chevauchée ardue avant l'aurore, en cette période de l'année. Ne vous faites pas de bile, Majesté. Encore hier soir, vous receviez un pigeon vous assurant que le voyage se déroulait à merveille. La princesse des Ospales arrivera saine et sauve.

Christian de Rochevelle leva lentement la tête et croisa le regard apaisant de Guillaume d'Arsénis. Ce dernier esquissa un léger sourire qui se voulait encourageant, et le roi sentit ses tracas se dissoudre peu à peu sous la chaleur de ce regard bleu. Il devait bien le reconnaître : Guillaume d'Arsénis, malgré son jeune âge faisait un premier ministre et un bras droit aussi solide que fidèle. Alors que le pays tout entier souffrait de la disparition de la reine Katherine, qui avait longtemps été la raison de vivre des habitants du royaume, Christian avait dû reprendre la chandelle alors qu'il n'avait aucun lien avec la dynastie royale et qu'il s'était vu chargé par la reine Katherine de procéder à un grand remaniement du gouvernement. Un remaniement qui devait aboutir à terme au congé de tous les ministres, à l'exception d'un : Guillaume d'Arsénis.

Et cette exception avait très rapidement fait sens dans l'esprit du roi nouvellement couronné. Guillaume d'Arsénis avait pris la parole pour expliquer au gouvernement pourquoi il était congédié et pourquoi Christian de Rochevelle, majordome de la défunte reine, s'asseyait désormais sur le trône. Il avait réussi à calmer l'assemblée de ministres cupides et égoïstes grâce à sa voix suave mais imposante, et était parvenu à ordonner leur expulsion du palais dans la semaine qui suivit. Puis, quand le temps fut aux funérailles de la reine, qui réunirent plus de vingt milliers de sujets ainsi que tous les employés du palais sans exception, Guillaume d'Arsénis avait encore été là. Lorsque les larmes lui brûlaient les paupières, menaçant de tomber à chaque instant et ruiner son image de souverain fort, et que sa bouche devenait si pâteuse qu'il ignorait s'il pourrait un jour à nouveau parler, le roi avait senti une légère pression sur son avant-bras droit, et quand il avait tourné la tête, il l'avait vu : là à sa droite, son premier ministre, son pilier, son confident.

Alors il avait réellement compris le sens le plus pur de l'expression « bras droit » car, désormais, dès qu'il jetait un oeil par-dessus son épaule droite, il le trouvait. Et si ce jeune homme ne pouvait remplacer le profond abysse creusé par l'absence de la reine Katherine, Christian devait avouer qu'il était néanmoins heureux et soulagé de savoir cet homme toujours debout à sa droite.

Trois coups brefs extirpèrent le roi de ses pensées et ses yeux volèrent immédiatement vers la porte d'acajou. Le rythme des coups était reconnaissable entre tous, une seule personne dans le château avait eu la consigne de frapper ainsi, afin qu'il puisse la reconnaître parmi les centaines d'employés.

— Entrez, Jeanne.

Et effectivement, une jeune femme aux cheveux châtains d'une extraordinaire longueur, retenus par un ruban noir à la base de la nuque, fit son entrée dans la salle du trône. Sa robe noire aux boutons d'or et aux épaulettes rouges brodées lui conférait une apparence sévère et respectable, mettant en évidence son rôle important au sein du Palais des Lumières.

La Table des SeptDove le storie prendono vita. Scoprilo ora