Chapitre 12 : La tache blanche

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Le lendemain, la reine Jade et le roi Christian furent réveillés aux aurores par des coups francs qui résonnèrent contre la porte de la suite nuptiale.

— Vos Majestés, Monsieur le Premier Ministre requiert votre présence dans la salle du Conseil du Roi.

Dans un grognement ensommeillé, le roi se redressa dans sa couche tout en se frottant les yeux dans une lenteur engourdie.

— Qu'y a-t-il, Jeanne ? demanda-t-il d'une voix lourde. Il est indécemment tôt, me semble-t-il.

— Pardonnez cette irruption dans votre repos bien mérité, Votre Majesté, mais Monsieur le Premier Ministre vous fait appeler pour une raison urgente. Il m'a ordonné de ne pas quitter le couloir de la chambre royale sans vous.

— Quelle est donc cette urgence ?

— Un bateau d'origine inconnue a été aperçu au large des côtes, Votre Majesté. Le vent semble venir du Nord et le porte à une vitesse soutenue. Il se rapproche à vue d'oeil.

— Quels couleurs arbore le navire ? intervint la reine, qui s'était déjà levée et avait prestement enfilé une robe de nuit.

— Les voiles sont blanches, Votre Majesté. Mais les soldats du chemin de ronde croient avoir vu un pavillon bleu.

— C'est un navire de Galvin, affirma Jade sans hésitation.

— Le roi Amalric nous fait déjà l'honneur de sa présence, commenta Christian, qui se couvrait à son tour d'une chemise. Faites appeler la suivante de la reine afin qu'elle nous rende présentables, Jeanne. Nous arrivons.

— Bien, Votre Majesté.

Après une toilette rapide mais non moins minutieuse dispensée par Mayeva, la servante mutique de la reine, les deux souverains s'engouffrèrent dans le couloir encore épargné par les rayons du soleil levant. Arrivés dans l'Aile Est, l'Intendante du Palais leur ouvrit la porte d'une salle meublée d'une simple table rectangulaire, et baignée dans la lumière orangée de l'aurore qui pénétrait par les hautes fenêtres vitrées, ouvertes sur un balcon. Christian de Rochevelle congédia Jeanne d'un hochement de tête poli, et la porte se referma derrière eux. Le roi et la reine s'avancèrent sur le balcon de pierre blanche, où deux silhouettes sombres les attendaient.

— Guillaume, pourquoi nous avoir fait appeler de si bonne heure ? demanda le roi en prenant place aux côtés de son premier ministre, accoudé sur la rambarde.

— Bonjour, Votre Majesté, l'accueillit chaleureusement le Premier Ministre.

Mais si tôt son regard croisa celui de la reine, son sourire éclatant s'évanouit.

— Pardonnez-moi d'avoir écourté votre douce nuit, continua-t-il, son ton se faisant sec. Mais il m'a semblé indispensable de vous avertir de la venue d'un visiteur, qu'il soit ami ou ennemi.

— Vous avez bien fait, Guillaume. Bonjour, Gina.

Le roi inclina la tête en direction de la jeune femme qui se tenait au coin de l'immense terrasse, sa tunique blanche déjà bariolée de taches de peinture.

— Votre Majesté, répondit-elle poliment, tout en offrant un regard oblique à la reine.

Celle-ci haussa un sourcil agacé lorsqu'elle comprit que la peintre ne daignerait pas la saluer en bonne et due forme, comme elle venait de le faire pour le roi.

— Avons-nous envoyé un ambassadeur ainsi qu'une escorte vers le port, pour accueillir nos visiteurs ?

— Pas encore, Votre Majesté. J'attendais votre ordre exprès.

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