Chapitre quarante-deux

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- Matteo, on va bientôt manger.

Le brun baissa doucement l'écran de son ordinateur en soupirant. Il venait de passer trois heures sur cette dissertation qu'il était quasiment certain d'avoir raté, le cours qu'il avait séché la veille ne l'ayant pas aidé. Il se leva vers la porte de sa chambre et l'entrouvrit légèrement.

- J'ai pas faim je vais aller me coucher directement, prévint-il.

Puis, il referma la porte. Il se sentait un peu coupable de s'enfermer comme ça alors que sa mère devait très certainement avoir cuisiné pour eux deux. Il avait bien conscience que ce genre de caprices n'était plus de son âge, malgré ça il ne comptait quand même pas la rejoindre.
Il reprit place sur sa chaise de bureau et sortit son portable de la poche de son pantalon. Aron lui avait dit la veille qu'il pouvait l'appeler quand il voulait, et depuis il hésitait à le faire. Il savait au fond que ce n'était pas une bonne idée. Et puis, il n'avait rien de spécial à lui dire. Il voulait juste l'entendre.

Il douta quelques longues secondes face à son écran avant de se lancer. Il attendit une sonnerie, puis deux mais raccrocha soudainement. Si Alexia savait ça, elle lui en voudrait encore plus. Il ne devrait pas l'appeler.
Au moment où il reposa son téléphone sur le bureau, celui-ci se mit à sonner. Matteo le reprit en main mais resta figé devant l'écran. Il empirerait les choses avec Alexia en répondant à cet appel. Pourquoi ne pouvait-il pas simplement oublier Aron ?
Après cinq sonneries, l'écran redevint noir. Le châtain ne devait rien comprendre. Il avait essayé de l'appeler pour ensuite ne pas répondre quand lui le faisait.

- Matteo ?

Un cognement à sa porte se fit entendre puis, en tournant sa chaise, il vit la tête de sa mère dépasser.

- Oui ?

- Je t'ai apporté un plateau, il faut que tu manges même un petit peu.

Elle passa entièrement la porte et posa la nourriture sur le bureau juste à côté de Matteo, qui lâcha un sourire sans en avoir conscience. Cette attention lui faisait plaisir, de plus qu'il remarquait que, désormais face à cette assiette, il avait un petit creux.

- Merci.

Sa mère lui adressa un sourire mais au lieu de quitter la pièce, elle s'assit au bord du lit. Alors Matteo tourna sa chaise vers elle en commençant à manger. Cela ne lui dérangeait pas qu'elle reste, au contraire.

- Ça va ? demanda-t-elle.

Matteo acquiesça doucement. L'ambiance était étrangement détendue alors le brun décida de parler un peu. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas fait avec sa mère. Les seules fois où ils se retrouvaient face à face était aux moments des repas, pendant lesquels ils ne discutaient jamais dernièrement.

- Je me suis embrouillé avec Alexia.

Il vit une mine embêtée apparaître sur le visage de sa mère.

- Oh mince, ça va passer.

Le brun pouffa amèrement à ces mots.

- Cette fois-ci, je pense pas. J'ai vraiment merdé.

- Il n'y a pas de raison. Vous avez toujours été inséparables depuis tout petits. C'était adorable de vous voir toujours ensemble, se rappela-t-elle en souriant à ces souvenirs.

Matteo esquissa un sourire aussi en l'entendant. Alexia et lui s'étaient toujours suivis à l'école, au collège puis au lycée et enfin à la fac. Ils s'étaient probablement chacun influencés l'un l'autre sur ce qu'ils voulaient faire puisqu'ils n'étaient jamais allés dans des filières différentes.

- Tu t'es excusé pour ce que tu as fait ?

Matteo avala sa bouchée avant d'hocher doucement la tête.

- Oui mais c'est pas suffisant. Je sais pas trop ce que je dois faire pour qu'elle me pardonne.

Sa mère fronça les sourcils, semblant enfin comprendre que la situation n'était pas si légère qu'elle le pensait au début. Matteo voyait qu'elle souhaitait en savoir plus pour pouvoir lui répondre précisément mais il ne voulait pas lui dire de quoi il s'agissait. Déjà parce qu'il ne voulait pas la décevoir, et ensuite parce qu'il ne se sentait pas de lui avouer que ce qu'il avait fait était avec un garçon.
Heureusement elle ne posa aucune question.

- Ça fait combien de temps que cette dispute dure ?

- Plus de deux semaines maintenant.

Elle ne cacha pas son étonnement mais le brun la comprenait. Ils ne s'étaient jamais disputés aussi longtemps.

- Le temps résout tout, tu sais. Mais essaie d'être là pour elle, même de loin. Montre-lui que tu regrettes ce que tu as fait.

Le regard de Matteo dévia sans qu'il le veuille vers son téléphone, avec lequel il avait tenté d'appeler Aron quelques minutes plus tôt. Cet acte ne dégageait aucun signe de regret de sa part. S'il regrettait autant qu'il le disait, il aurait supprimé son numéro depuis longtemps.

- Mh.

- En tout cas, tu sais qu'elle t'aime beaucoup et je suis certaine qu'elle te pardonnera un jour.

Matteo acquiesça, bien que pas convaincu. Il recommença à manger, dans le silence cette fois, jusqu'à ce qu'il entende sa mère se lever. Elle s'approcha de lui et posa sa main sur le haut de sa tête pour lui caresser les cheveux.

- Je suis là si tu as besoin de moi.

Matteo acquiesça puis elle quitta la pièce quelques secondes après.
En se retournant face à son bureau, il repoussa le plateau un peu plus loin et s'adossa contre sa chaise, fixant le mur d'un air blasé. En face de lui se trouvait plusieurs photos avec ses amis. Alexia était la seule présente sur toutes. Cela reflétait bien sa vie. Elle avait été omniprésente, tout le temps. Et ne pas la voir ou même lui parler pendant deux semaines n'était jamais arrivé. Elle passait avant tout, pourtant pendant plusieurs semaines il avait préféré garder près de lui quelqu'un qu'il ne connaissait que depuis quelques mois. Alors évidemment qu'Alexia était énervée, c'était entièrement compréhensible. De plus, connaissant son caractère rancunier, elle n'allait pas le pardonner de suite. Mais pour qu'il y ait une chance que cela arrive un jour, il devait aussi faire des efforts. Et il ne pouvait pas garder Aron près de lui et à sa disposition, lui adressant la parole quand lui seul le voulait. Il ne méritait pas d'être laissé de côté comme ça.

Matteo avait l'impression de ne rien faire correctement, mais pour ça, il n'était pas trop tard.
Il regarda son téléphone qui affichait un appel manqué. Puis sur un coup de tête, il le prit entre ses mains et commença à écrire un message. Il tapota rapidement sur les touches sans même réfléchir, tout sortait naturellement.

À Aron :
Salut Aron, j'aurais du t'appeler mais je crois que j'en ai pas le courage alors excuse-moi d'avance de te le dire comme ça. Je sais que je t'ai dit hier qu'on s'appellerait et qu'on se verrait mais c'est pas une bonne idée. Je crois qu'on ne devrait plus se revoir. Je pense que tu comprends et j'espère que tu m'en voudras pas. Si en fait tu peux m'en vouloir, ce serait logique. Mais ce sera mieux pour Alexia, pour moi et pour toi aussi. Tu mérites vraiment mieux qu'un gars comme moi je t'assure et j'espère que tu le sais.

Matteo ne prit pas le temps de relire son message et l'envoya aussitôt avant de rapidement poser son téléphone plus loin, comme s'il l'avait brûlé. Il le regarda plusieurs longues secondes sans bouger puis le récupéra pour lire ce qu'il venait d'envoyer. Et il grimaça.

Ce qu'il avait noté était brouillon et un peu trop sincère à ses yeux. Il aurait simplement pu lui dire de ne plus se voir, en une phrase et c'était plié. Mais il s'était laissé aller à écrire des choses qui sonnaient dramatiques, en finissant par un propos gentil sur Aron alors que ce dernier n'allait certainement pas lire ce message jusqu'à la fin, ce que Matteo comprendrait parfaitement.
Il commença à imaginer la réaction qu'il aurait en lisant ça, il ne devait vraiment pas s'y attendre après leur conversation de la veille. Son cœur se serra à cette pensée

Best mistakeWhere stories live. Discover now