Chapitre 55

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Salut tout le monde! Je vous poste le dernier chapitre plus l'épilogue ce soir, je trouve que ce serait bizarre de les séparer. Vous connaîtrez enfin la fin de ce livre et je posterai un chapitre de remerciements avec des réponses à vos questions dans la semaine qui suit ou plus tard, on verra. Du coup n'hésitez pas à me donner votre avis sur cette fin et à me poser des questions en commentaire! Bonne lecture!

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   Roulant sur le côté, je me retrouvai au-dessus de Khaul. Son corps était encore chaud contre le mien et je m'empressai de vérifier si il respirait encore. N'entendant rien, je tâtai son pouls. Je ne sentais rien. J'écoutais, l'oreille contre sa poitrine, pour entendre les battements de son cœur. Je n'entendais rien d'autre que la rumeur de la bataille. Désespérée, je le secouai frénétiquement, les larmes dévalant le relief de mes joues. Je lui hurlai dessus pour qu'il se réveille, reprenne conscience et m'engueule parce que je lui cassais les oreilles. Mais ils ne fit rien de tout cela et son corps resta rigide entre mes bras.

   Inconsciemment, j'étais repassée en double vision et je pus voir une infime lueur émaner de son torse à travers mes larmes. Clignant des yeux pour chasser mes larmes, je regardai de plus près. Il y avait bien cette petite lumière, à peine de la taille d'une tête d'épingle, qui se trouvait en son cœur. Le désespoir guidant mes actions, je déversai en lui le trop plein d'énergie qui me venait du Créateur. Même lorsque je sentis la dernière parcelle de cette énergie me quitter, je continuais à lui donner de l'énergie vitale. Il n'ouvrait toujours pas les yeux et je devais voir ses prunelles noires pour m'arrêter. Je partageais avec lui ma propre vie, je sentais que je m'affaiblissais. Mes paupières papillonnaient et ses yeux restaient résolument fermés. N'en pouvant plus, je m'effondrai sur lui, à peine consciente. Après quelques secondes, ses bras se refermèrent sur mon corps fatigué et il murmura:

"Emma..."

   Dans un regain d'énergie, je relevai la tête pour observer son visage. Mes yeux plongèrent dans les siens, ces deux pupilles noires entourées du cercle doré qui m'avaient toujours captivées. Ce qui se passa ensuite était peut-être dû à mon soulagement intense ou bien c'était simplement parce que je rêvais secrètement de le faire depuis longtemps. Délicatement, je pressai mes lèvres contre celles de Khaul, mes larmes se mêlant aux siennes sur son visage. Je l'embrassai en faisant passer toute ma peur et tout mon soulagement dans ce baiser. Ses lèvres se mouvèrent contre les miennes, me témoignant ses propres émotions et sentiments. Nous finîmes par nous détacher, à bout de souffle, mon front reposant sur le sien dans un geste d'intimité. Il me serra plus fort contre lui et je déplaçai ensuite ma tête pour qu'elle repose sur sa poitrine. J'écoutais son cœur battre à un rythme régulier, m'assurant qu'il ne s'arrête pas. Et je continuerais de m'en assurer le restant de mes jours.

   On resta comme ça, le temps de trouver la force de se relever. Khaul fût le premier à se rependre, et se redressa en position assise, me replaçant sur ses genoux pour que je le sois également. Je constatai que les Vaëlirs fuyaient, leur maître ayant été vaincu. Personne ne les empêchait de partir, nous étions tous trop épuisés pour cela. Nous avions tous risqué notre propre vie, et nous avions assisté en direct à la mort de proches. Exténués, d'un accord tacite, tout le monde commença à se télétransporter au QG au comte goutte.

   D'un commun accord, Khaul et moi nous mîmes a déambuler parmi les innombrables corps qui jonchaient le sol. Des Sorciers, des Indignes, des Vaëlirs et des Vampires tapissaient l'herbe tendre de Central Park. Heïtan était rentré, j'avais entraperçu les jumeaux et Amber tout à l'heure et Fatouma... Fatouma... je ne voulais pas penser à cela pour le moment. Nous passions parmi les morts et les blessés restés à terre. Nous nous chargions de trouver les blessés, de les ramener à la base ou à l'infirmerie selon l'urgence. On comptait aussi le nombre de morts, ce qui donnerait une estimation pour ceux qui devraient s'occuper du nettoyage. Les Vampires emportaient les corps de leurs défunts au Palais et bientôt ils furent tous partis. Ne restaient que de rares Sorciers qui arpentaient comme Khaul et moi le champ de bataille.

   Je n'arrivais pas à savoir depuis combien de temps nous marchions ainsi au hasard, mais j'avais l'impression que cela faisait des heures. Le jour n'allait pas tarder à se lever, nous devions donc accélérer le mouvement. Il était temps de laisser cette étendue de désolation pour rentrer chez nous et lécher nos blessures. Pourtant je sentais cette force invisible qui me dictait de ne pas partir. Je devais rester. Je ne voyais rien d'autre que des corps et des membres recouvrant le sol. Ici une main, là une femme plongée dans un sommeil éternel, à ma gauche une tête et... Je me figeai sur place. Je devins une statue, tout en moi s'arrêta: mes pensées, le sang qui coulait dans mes veines, le frémissement de mes muscles, mon cœur. Mon muscle cardiaque s'était stoppé et je n'étais pas sûre qu'il redémarre un jour. J'étais en train de mourir. Je me laissai tomber à genoux, mes jambes flageolantes ne me soutenant plus. Je portai une main tremblante à ma bouche, couvrant mon cri silencieux. Mes yeux s'emplirent de larmes, et je suffoquais dans ma propre souffrance. C'était un ras de marée qui balayait tout sur son passage et jamais je ne pourrais me reconstruire à l'identique.

   Devant moi était allongé mon ami, notre petit frère à tous, le cadet de la promotion. Lorrigan, ce petit fanfaron que l'on voyait tous comme celui qu'on devait protéger... et nous avions échoué. Il n'y avait aucune blessure apparente sur son corps, mes ses yeux grands ouverts, fixes et vides, suffisaient pour que je comprenne. Fermant les yeux pour ne plus voir cette vision d'horreur je geignis, gémis, essayant de faire ressortir ma douleur comme je le pouvais. Jamais les larmes ne pourraient évacuer tout le chagrin que je portais en moi. Jamais mes cris ne pourraient faire revenir mes amis. Jamais mes lames ne vengeraient leur mort.

   Je savais que Fatouma était morte, son regard s'était éteint sous mes yeux, mais quand c'était arrivé j'avais été dans l'urgence et je devais absolument m'occuper du Créateur. Mais là, face au visage figé de mon ami, je réalisai pleinement ce qu'il en était, et j'étais brisée en mille morceaux que personne ne pourrait jamais recoller ensemble. Je vis distinctement les pieds d'une personne se dessiner dans mon champ de vision puis j'entendis un sanglot étouffé. Elléana me rejoignit par terre et me serra contre elle, partageant mon désespoir. Je pleurais, je pleurais tellement que je me noyais dans ma douleur dont je ne connaissais même plus la cause. Ce fut Khaul qui nous éloigna du corps de notre ami et nous ramena aux quartiers généraux. Nous raccompagnâmes ma meilleure amie chez elle où sa mère l'attendait, rongée par l'inquiétude. En voyant sa fille, elle se précipita sur elle et la couvrit de baisers tout en la maintenant dans une étroite embrassade. Nous les laissâmes pour rentrer chez nous, dans notre cocon douillet.

   En arrivant, je m'affalai sur le canapé, vidée de toute substance. J'avais perdu deux camarades qui m'étaient chers aujourd'hui. Khaul s'assit à côté de moi et m'attira dans ses bras en guise de réconfort. Lui avait perdu deux de ses élèves, j'étais presque sûre qu'il s'en voulait pour cela. Il n'y pouvait pourtant rien, à la guerre, il y avait forcément des gens qui périssaient. Mais Khaul avait aussi appris la mort de Landro, l'homme qui l'avait élevé. Je savais qu'il était effondré.

   Pourtant, malgré notre chagrin, ce n'était pas le plus important. Ce soir là, nous étions trop éreintés émotionnellement pour le réaliser pleinement, mais nous avions réussi. Malgré tous les sacrifices, malgré les vies perdues, nous l'avions emporté. La victoire était notre. La menace qu'avait représenté le Créateur avait été effacée de la Terre et nous pouvions désormais vivre sans que son ombre funeste ne plane sur l'humanité et les peuples surnaturels.

EnchanteresseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant