Chapitre 32

141 14 13
                                    

Le corps de Louis s'effondra sur le sol comme une lourde pierre. Puis, plus rien. Aucun mouvement, aucune respiration, aucun battement de cœur mis à part de mien qui résonnait sans relâche dans ma tête comme un tambour creux. Plus rien sauf une tache grandissante de couleur écarlate sur la poitrine du garçon étendu par terre, sous les yeux épouvantés de tout le reste du monde.

Le temps donnait l'impression de s'être suspendu et la Terre, de s'être arrêté de tourner. Il n'y avait plus de chant d'oiseaux ni de Soleil radieux ou de brise légère. Il ne semblait même plus y avoir assez d'air pour respirer.

Je n'étais plus qu'une figurine pétrifiée essayant d'ignorer le carillon alarmant qui assaillait son esprit. Je n'avais aucune idée de ce qui se passait autour de moi. En cet instant précis, je n'étais qu'une minuscule fille aux oreilles sourdes, à la bouche muette et aux membres paralysés, face à un monde titanesque. Le seul sens dont je ne doutais pas le maintien était ma vue. Et j'aurais préféré qu'il s'éteigne avec tous les autres pour m'engouffrer dans un trou noir sans limite. Dans une telle situation, mieux vaut être aveugle que voyant.

La voix dans ma tête priait à ma place pour qu'un signe, ne serait-ce que la faible contraction d'un muscle – peu importe lequel –, prouve la vie reposant encore dans le corps de Louis, allongé au centre du cercle formé par la masse d'habitants du hangar. Mais la Mort était déjà passé et s'était emparé de son âme, réduisant à néant l'esprit qui l'habitait.

C'est un hurlement perçant qui nous fit tous reprendre nos moyens. Sans même avoir le temps de tourner les yeux, je vis Dena accourir auprès de son copain, tenant d'une main sa poitrine, les doigts plantés fermement dans sa peau, comme si la souffrance menaçait de fendre son cœur. Elle se laissa tomber à genoux à côté du corps gisant au sol dans une immense mare de sang et l'installa doucement sur ses cuisses, la tête contre sa cage thoracique. Elle enveloppa ses bras autour des épaules de Louis et posa son visage contre ses cheveux, le berçant lentement d'avant en arrière. À plusieurs reprises, elle cria en s'en époumoner. Elle sanglotait de façon étranglée et chacun de ses gémissements de douleur me tordait le cœur. Je voulais détourner les yeux, mais j'en étais incapable.

–      Louis, s'il te plait, reste avec moi, le suppliai Dena parmi ses violents halètements.

Je sentis tout mon être se décomposer.

–      Ne m'abandonne pas, je t'en prie !

Elle murmura à continu qu'il n'avait pas le droit, ses propres larmes ruisselant sur le visage du défunt.

Louis ne répondra pas. Dorénavant, il ne répondrait plus.

À cette constatation, le peu de parties intactes à l'intérieur de moi se brisèrent, instaurant un immense vide à leur place. Comment le garçon souriant qui m'avait si gentiment accueilli au hangar et accompagné durant les jours parfois pénibles ici pouvait-il nous avoir quitté ? Et ce, devant mes yeux ?

Mes bras pendouillaient le long de mon corps et ma bouche était entrouverte par le choc. Je revivais le soir où j'avais trouvé ma mère, morte dans la baignoire. Ma poitrine me faisant mal, je ne voyais plus clair, je n'avais plus d'air.

Près de moi, Harry se recula de quelques pas en secouant la tête. Je pivotai de peine et de misère la tête en sa direction, comme si tous mes muscles étaient endoloris. Il mordait durement sa lèvre inférieure et ses yeux étaient inondés d'un océan de souffrance, comme si le mal avait pris possession de son être. Il ouvrit la bouche à plusieurs reprises, la refermant à chaque fois. Il leva le bras en l'air, pointant d'un doigt tremblant son meilleur ami. Le regard horrifié ainsi que le visage blême et déchiré en d'innombrables morceaux, il secoua une dernière fois la tête avant de se retourner et de partir à l'intérieur du hangar sans ne jamais se retourner.

Whispers of EvilDove le storie prendono vita. Scoprilo ora