Chapitre 33

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Je ne savais plus quoi faire. J'avais l'impression que chacun de mes pas était un pas de trop, que tous mes faits et gestes devaient être analysés en profondeur sous peine de causer encore plus de tort que je l'avais déjà fait. Je ne savais plus s'il fallait que je mange, que je dorme ou que je continue de faire les cents pas au rez-de-chaussée du hangar. Je n'avais aucune idée comment agir parce que dans une telle situation, je ne savais pas s'il fallait justement agir. Reprendre une vie normale en mangeant trois repas par jour et en dormant huit heures consécutives me semblait être une tâche impossible, voire strictement interdite. Je ne pouvais pas faire semblant que rien ne s'était passé, mais je ne pouvais pas continuer de tourner en rond en me rongeant les ongles pour éviter d'éclater en sanglots ou pire, de me remettre à vomir comme tout à l'heure en repassant les images horribles en boucle dans mon esprit.

C'était maintenant l'après-midi et la tension ne s'était toujours pas calmée – ce qui était plus que normal. Le hangar était plongé dans un silence embrouillé par quelques chuchotements ici et là.

Il fallait que je parle à quelqu'un de sain, quelqu'un qui avait encore toute sa tête. Je devais laisser entendre tout ce qui était resté coincé dans ma gorge après avoir parlé à Harry, au bar. Il fallait que je demande à quelqu'un ce que je devais faire. Et personne d'autre que Niall ne me vint à l'esprit. Il avait l'air d'être le seul en pleine fonction de ses moyens. Il semblait chamboulé, oui, mais pas au point de ne plus être capable de prendre ses propres décisions.

J'arrêtai soudainement de marcher devant le cabinet du dit médecin, fixant l'insigne indiquant : « HOSTO ». Oui, je devais aller lui parler, j'en avais besoin. C'était bien la seule personne qui accepterait probablement de m'écouter, bien qu'on ne se connaisse que très peu lui et moi. Harry, Dena et même Jade ne voudraient en aucun cas m'entendre me plaindre de mon sort.

Lorsque j'ouvris la porte, la poignée froide entre mes doigts tremblotants, un dos me fit face. Je sursautai un peu et refermai la porte délicatement, faisant le moins de bruits possibles. J'examinai silencieusement la silhouette en avant de moi, parcourant de mes yeux son corps tout refrogné. Son échine était courbée, ses muscles étaient tendus et ses épaules, parsemés de boucles indociles. Une vague de chaleur s'empara de moi au constat de l'identité de la personne, comme un profond malaise. Le garçon renifla, gardant les bras le long de son corps. Devant lui, un gros coffret de bois ouvert à un angle droit.

—     Grayson à récupérer ce cercueil chez un ami menuisier, dit Harry en devinant ma présence.

Une boule à la gorge, je m'empressai de rejoindre mes mains ensemble, grattant mes paumes avec mes ongles.

Je baissai les yeux vers le sarcophage. Un visage à la peau extrêmement blanche en ressortait. Je pinçai les lèvres, mes yeux s'imbibant d'eau. Les yeux de Louis étaient fermés et il était échevelé. Ses bras avaient été posés contre son ventre et il tenait entre ses doigts une lettre sur laquelle était écrit en une calligraphie maladroite : « Pour toi mon amour, Dena. » Je remarquai qu'il portait toujours les mêmes vêtements que plus tôt. Un rond de sang maintenant séché figurait sur sa poitrine et on pouvait apercevoir les traces rouges remonter jusque dans son cou, sur ses joues et même à la base de ses cheveux. Je détournai les yeux, le cœur serré.

—     Je suis incapable de lui faire me adieux, murmura Harry, qui avait la tête basse.

Mon regard se posa sur sa nuque, puis sa mâchoire, espérant qu'il me regarderait. Il ne le fit pas.

—     Tu n'es pas prêt, il est peut-être trop tôt, lui répondis-je doucement, ma voix s'évanouissant au fil de ma phrase.

—     Mais il le faut, renchérit-il sèchement. Je dois le laisser partir.

Whispers of EvilWhere stories live. Discover now