[I&II] Aissam et les Filles

[VI]

Elle vient de liker ma photo, une photo datant du soir du Réveillon du Nouvel An, soit il y a deux mois... Des dizaines de questions déboulent dans mon esprit simultanément, de quoi me choper une migraine presque instantanément. En fait, je comprends pas du tout le but de sa démarche. Qu'est-ce qu'elle veut me faire passer comme message après un silence de neuf mois ?
Mais, de toute façon, je veux rien savoir. En aucun cas je vais entrer dans son jeu de likes et aller foutre un coeur une de ses publications ; si elle pense ça, elle se fout le doigt dans l'oeil.

Je suis peut-être encore complètement épris d'elle mais une chose est sûre : je suis pas un zemel. Donc quoi ? Tu me tej comme une merde et t'essayes de slide dans ma vie comme si de rien n'était ? C'est clairement du foutage de gueule ça.

Néanmoins, malgré toute la rancoeur qui m'envahit à ce moment, je me sens obligé d'aller faire un tour sur son profil puisque madame a enfin décidé de me débloquer. Je découvre alors une page Instagram de post-bad : un lay-out soigné, des clichés de qualité et qui plus est, très bien retouchées, et un nombre miranbolesque de followers.
Je remarque aussi que la demoiselle a pris encore plus de formes et je rêve de la trouver laide à l'instant T mais j'y arrive pas, je la trouve toujours aussi magnifique qu'autrefois.

En me voyant buguer sur cette photo, ma soeur, initialement assise à coté de moi, m'enjoint de la bloquer. Et je l'entends, je l'entends très bien mais j'arrive pas à m'exécuter. Même si Ligeia m'a fait du mal, revoir sa bouille me fait du bien. Tous les souvenirs qu'on a pu partagés remontent à la surface d'une traite ; les moments heureux comme les moins bons... Qu'est-ce que je l'ai aimée cette fille... Elle a tout gâché.

« Bloque la cette schlague, cherche pas midi à quatorze heures ! m'ordonne Maya. T'es sérieux ?

— Tranquille

— En plus, liker des photos à vingt-trois heures ? Non non, c'est pas halal tout ça

— T'as vu hein, c'est sombre comme pratique »

Je fais le mec qui plaisante mais dans mon fort intérieur, la même humeur n'est pas au rendez-vous. Je suis saisi d'une nostalgie lancinante, toutes les images défilent dans ma tête, du premier jour au dernier et putain, la douleur est insoutenable.

« J'sais pas pourquoi tu fixes cette photo ainsi mais tu vas vite arrêter ! me dit Maya en m'arrachant mon téléphone des mains

—  Vas-y donne mon téléphone, je lui ordonne sur un ton las

— Attends, je la bloque

— Donne mon téléphone là !

— Eh, j'sais pas avec qui tu hausses la voix mais tu vas vite te calmer, me menace-t-elle très calmement. Toi t'es là, t'es en sang sur une petite pétasse dans son genre ? T'as même pas de fierté après tout ce qu'elle t'a fait ?! Zappe-la frère